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dès la première entrevue, s’en fit aimer en se battant pour elle, et se rendit si complètement maître de la place, que Duclos, Francueil et Rousseau furent succèssivement forcés de l’abandonner[1].

Grimm qui, dans la première moitié de sa vie, avait, comme on le vient de voir, exercé ses talens pour la comédie et l’intrigue, pensa plus tard en pouvoir faire une utile application : il se fit diplomate. Ses rapports épistolaires lui avaient donné quelque crédit à Francfort ; cette ville lui confia le soin de ses intérêts auprès de la cour de France. Mais une dépêche, dans laquelle il avait laissé échapper une plaisanterie sur la conduite de je ne sais quel ministre de Louis XV, avant d’arriver à son adresse fut ouverte dans les bureaux secrets de la poste, et remise à l’Excellence attaquée. On exigea de la ville de Francfort qu’elle fît choix d’un autre chargé d’affaires moins bon plaisant. Ce mérite fit perdre à Grimm un traitement de 24,000 livres ; peut-être trouva-t-il qu’il lui coûtait un peu cher.

Songeant à réparer cet échec, il entreprit une tournée dans le Nord, et visita ses illustres correspondans. Toutes ses démarches ne furent pas vaines, et si on dut peu le féliciter d’avoir obtenu de la cour de Vienne le diplôme de baron du Saint-Empire, que les épigrammes de l’abbé Galiani lui firent bien payer ; si le titre de conseiller d’État, et le grand-cordon de seconde classe de Saint-Wladimir, que lui accorda peu après l’impératrice Catherine, doivent n’être regardés que comme une triste in-

  1. Voir pour ces intrigues les Confessions, l’Histoire de la vie et des ouvrages de Rousseau, et même les Mémoires de madame d’Épinay ; c’est à ces ouvrages, ainsi qu’aux Mélanges de Meisteret à la Biographie universelle, que nous avons emprunté les faits rapporté dans cette note biographique.