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Petit Prophète de Boehmischbroda (1753) fut regardé comme le plus piquant manifeste du coin de la Reine[1], et le coin du Roi demeura percé de ses traits jusqu’au moment où Jean-Jacques vint l’écraser par sa Lettre sur la Musique française. Le Petit Prophète a survécu à cette lutte oubliée, et, en le lisant, on peut dire avec Voltaire : ce De quoi s’avise donc ce Bohémien d’avoir plus d’esprit que nous[2] ? »

Ce fut aussi en 1753 que Grimm commença à entretenir avec quelques cours du nord et du midi de l’Allemagne cette Correspondance littéraire qui fit sa fortune de son vivant, et sa réputation après sa mort. Répandu comme il l’était dans les sociétés les plus attachantes, il lui était facile, avec sa tournure d’esprit et l’originalité de ses vues, d’en faire une gazette pleine d’intérêt ; et il sut trop bien y réussir pour qu’on puisse regretter que ce travail continu l’ait détourné d’entreprendre aucun ouvrage.

Une aventure nouvelle vint encore attirer les regards du public sur Grimm. Parmi les personnes chez lesquelles Rousseau l’avait introduit, nous aurions dû citer madame d’Épinay. Cette femme, dont la maison était aussi ouverte à Duclos, avait, lorsque Grimm commença à la connaître, beaucoup à se plaindre de son mari, et s’en consolait avec M. de Francueil. Grimm sut lui plaire assez

  1. Voir la note de la page 48 de ce volume.
  2. On a encore de Grimm un article sur le poëme lyrique, inséré dans l’Encyclopédie, des Lettres de Frédéric II, roi de Prusse ; le tout réimprimé dans le Supplément à la Correspondance publié par Barbier. On cite aussi de lui une Dissertation (en latin) sur l’Histoire de Maximilien Ier et Meusel, dans son Dictionnaire des littérateurs allemands, lui attribue quelques autres écrits dans cette langue.