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affaires de Grimm auprès de l’actrice, qui avait l’habitude des scènes de comédie, parmi les femmes du monde il fut regardé comme constant que Grimm était le modèle des amans passionnés.

Quand M. de Frièse, entraîné par la dissipation et l’amour immodéré des plaisirs, eut fini d’escompter sa vie, Grimm se mit en devoir de soutenir sa réputation de sensibilité. « Il fallut, dit Rousseau[1], l’entraîner à l’hôtel de Castries, où il joua dignement son rôle, livré à la plus mortelle affliction. Là, tous les matins, il allait dans le jardin pleurer à son aise, tenant sur ses yeux son mouchoir baigné de larmes, tant qu’il était en vue de l’hôtel ; mais au détour d’une certaine allée, des gens auxquels il ne songeait pas le virent mettre à l’instant le mouchoir dans sa poche, et tirer un livre. » Le duc d’Orléans, auquel le comte de Frièse l’avait recommandé en mourant, crut ne pouvoir mieux faire que d’admettre dans sa maison ce héros d’amitié et de reconnaissance. Il le nomma secrétaire de ses commandemens. Mais soit que le prince lui en ait bientôt préféré un autre, soit que Grimm se soit promptement dégoûté de ces fonctions, il ne les remplit pas très-long-temps.

D’assez faibles Lettres sur la littérature allemande, insérées au Mercure de 1750 ; une Lettre sur Omphale, publiée en 1750, lors de la reprise de cet opéra, avaient peu attiré l’attention du public sur Grimm, quand la querelle des partisans de la musique française et de la musique italienne, que fit naître le début des bouffons à Paris, lui fournit l’occasion de combattre à côté de Rousseau contre les ennemis de la musique importée. Son

  1. Les Confessions, part. II, liv. ix.