Persuadé qu’il était que les femmes sont un des plus sûrs, moyens de parvenir dans cette sorte de monde, il ne négligea rien pour leur plaire. Il n’était pas beau ; il avait les yeux gros et saillans, la hanche et l’épaule un peu de travers, le nez très-fort et un peu tourné ; et quoiqu’une femme de son temps assurât que c’était toujours du bon côté[1], il n’y avait pas là de ressources bien puissantes de séduction. Appelant l’art au secours de la nature, Grimm prit un grand soin de sa personne ; sa toilette devint une importante affaire. Il eut recours au blanc de céruse pour remplir le creux, de ses joues ; mais comme cette précaution, quelque adroitement qu’elle fût prise, ne laissait pas d’être encore apparente, Gauffecourt[2], un des habitués de ses dîners d’amis, par allusion à ce soin et à l’opiniâtreté de son caractère, l’avait assez plaisamment surnommé Tyran-le-Blanc.
Une singulière aventure, dont nous emprunterons le récit à Rousseau, lui donna, vers ce même temps, un grand renom : « Grimm, après avoir vu quelque temps de bonne amitié mademoiselle Fel (actrice de l’Opéra), s’avisa tout d’un coup, d’en devenir éperduement amoureux, et de vouloir supplanter Cahusac[3]. La belle, se piquant de constance, éconduisit ce nouveau prétendant. Celui-ci prit l’affaire au tragique, et s’avisa d’en vouloir mourir. Il tomba tout subitement dans la plus étrange maladie dont jamais peut-être on ait ouï parler.
- ↑ Mélanges de Meister, tom. II, p. 103.
- ↑ Gauffecourt figure dans la scène du curé de Montchauvet, p. 358 de ce volume. Il fut un des premiers amis de Rousseau, et de ceux que celui-ci conserva, quoiqu’il eût voulu séduire Thérèse.
- ↑ Voir une note sur lui, p. 92 de ce volume. Grimm rend compte d’un de ses ouvrages, p. 103 et suiv.