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la France, quand une occasion s’offrit à lui. Il accompagna à Paris, comme gouverneur, les enfans du comte de Schomberg. Peu de temps après il s’attacha au prince héréditaire de Saxe-Gotha en qualité de lecteur, a en attendant, » dit Rousseau, qui le rencontra à cette époque chez le prince (1749), « en attendant quelque place dont son équipage très-mince annonçait le pressant besoin[1]. »

Rousseau, séduit par l’enthousiasme avec lequel Grimm parlait de musique, se sentit porté à se lier avec lui. L’étude de cet art, qu’ils chérissaient tous les deux, acheva de former une amitié dont Grimm, quoiqu’il ait voulu faire croire le contraire, n’eut qu’à se louer, et dont Rousseau prétend, avec’plus de raison, n’avoir eu qu’à se plaindre.

Grimm, étranger et dans une position fort précaire, n’avait à Paris aucune relation sociale. Rousseau le mit en rapport avec Diderot, d’Alembert, d’Holbach, madame d’Houdetot, et plusieurs autres personnes que distinguaient leur esprit ou leur naissance. Vers cette même époque, une circonstance également heureuse le vint tirer d’embarras. Le jeune comte de Frièse, neveu du maréchal de Saxe, se prit d’amitié pour lui et se l’attacha comme secrétaire, avec des appointemens qui lui permirent de satisfaire son goût pour la dépense. Il recevait ses amis chaque semaine, et Marmontel, qui était de ce nombre, se rappelle avec plaisir, dans ses Mémoires[2], ces dîners de garçons.

Si Grimm avait cultivé la société des gens de lettres et des artistes, il avait aussi recherché la haute société.

  1. Les Confessions, part. II, liv. viii.
  2. Livre IV.