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chine en vert et blanc, de papier huilé, la plus mesquine possible ; on y voyait la princesse Sophie Arnould à travers une petite porte de gaze blanche ; elle se désolait, un mouchoir blanc à la main, et faisant des bras dans une espèce de char qui la balançait.

Elle avait l’air d’un avorton conservé dans un bocal d’esprit-de-vin, comme on les place dans les cabinets d’histoire naturelle. On fit cette remarque à Sophie Arnould après la pièce, et elle répondit que c’était tout simple, puisqu’elle était le fruit d’une fausse couche de Mme la duchesse de Villeroy. Au moment du désenchantement, on eut beau siffler, la tour de papier huilé ne voulut jamais s’écrouler ; les deux géants qui la gardaient tombèrent dans la trappe ; c’étaient deux soldats aux gardes, dont l’un fut grièvement blessé à cette occasion ; mais la tour ne voulut jamais disparaître, malgré les beaux bras de la princesse qui se balançait dans son char, derrière la porte de gaze, de la manière du monde la plus tragique ; pour achever de la délivrer, on fut obligé d’emporter le papier huilé par morceaux. Il serait difficile, comme je l’ai dit, d’imaginer un spectacle plus mesquin, plus absurde, plus ennuyeux et plus complètement ridicule que celui de la Tour enchantée. Il faut garder le petit livret qu’on a distribué sous ce titre comme un monument du goût de ceux qui président aux spectacles de la cour. L’avertissement de M. Joliveau ou de madame la duchesse qu’on lit à la tête est pour les idées et pour le style une des pièces les plus curieuses de l’année. Ma foi, si Louis XIV revenait pour un moment, il se trouverait un peu dérouté de voir que la cour de France, quand elle a un dauphin à marier, ne peut pas réussir à faire avec succès une singerie des spectacles du duc de Wurtemberg, et que les Quinault de notre siècle s’appellent Joliveau. Lorsque Colbert faisait accourir les étrangers de toutes les parties de l’Europe pour prendre part aux fêtes de la cour de Louis XIV, les spectacles qu’on donnait ne ressemblaient pas à une fausse couche, et les auteurs qu’on employait ne s’appelaient ni Dauvergne ni Joliveau.

— Il vient de paraître un nouvel ouvrage sur l’art important de la coiffure ; il a pour titre : le Coiffeur d’homme et de femme ; on peut l’avoir complet pour six francs, ou bien, suivant qu’on a la vocation et le goût de ne coiffer qu’un des deux sexes ex-