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Au maintien compassé joindre le ton discret,
La reine est éclipsée et la Clairon paraît.


AUTRES VERS.
à la clairon publique.

Indécemment tu quittas Melpomène,
Et tu veux, Frétillon, remonter sur la scène ;
Par la brigue écarter les talents de la cour,
Et seule avoir l’honneur de paraître au grand jour ?
C’était assez de gloire, impudente héroïne,
Que d’avoir en débauche égalé Messaline.


Dans le temps qu’il y avait des moucheurs de chandelles au théâtre, ils faisaient des vers moins exécrables.

Mais ce qu’il y a eu de plus remarquable dans les spectacles de la cour, c’est la Tour enchantée, ballet figuré, mêlé de chant et de danse, représenté devant le roi le 20 juin dernier ; c’est la seule nouveauté qu’il y ait eu parmi ces spectacles. Mme la duchesse de Villeroy a entendu parler de ces magnifiques ballets donnés à la cour de Stuttgard par Noverre ; elle a voulu les imiter, et, pour en perfectionner le genre, elle a cru qu’il n’y avait rien de plus beau que d’y faire brailler de temps en temps quelque litanie de chant français. Elle a donc fait un centon d’airs de danse, coupés par des psalmodies, le tout arrangé par Dauvergne, le plus plat et le plus froid des compositeurs de France, ce qui veut beaucoup dire. M. Joliveau, qui se dit secrétaire perpétuel de l’Académie royale de musique, parce qu’il tient registre des loges louées à l’Opéra, a fait les paroles ; madame la duchesse y a été pour la partie du génie, c’est-à-dire de l’invention. Une princesse malheureuse se trouve enfermée dans une tour enchantée par des Génies malfaisants ; son amant détruit le charme et la délivre : voilà toute la dépense de madame la duchesse en génie. Après quoi on célèbre la délivrance de la princesse par des jeux et par un carrousel ; et comme madame le duchesse a ouï dire que, sur les théâtres étrangers, on voyait souvent des chevaux réels dans les pompes de triomphe ou autres spectacles, elle a aussi fait promener des chevaux attelés à des cabriolets sur le théâtre de Versailles. Cette Tour enchantée, parfaitement ridicule, a été sifflée d’un commun accord. C’était une petite ma-