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nies des prévôts des marchands et échevins réunis ont pu inventer de plus récréatif pour célébrer un événement aussi auguste que l’hyménée de l’héritier présomptif du royaume, c’était de placer des boutiques entre les arbres du boulevard du nord de cette capitale, et d’y faire tenir la foire la plus triste, la plus insipide du monde, et qu’ils eurent grand soin de déclarer non franche dans leurs placards, de peur qu’on ne les soupçonnât de vouloir accorder aux marchands forains quelque exemption d’impôts passagère en faveur d’une solennité si importante. À cette occasion, ils firent éclairer le boulevard par de petites lanternes placées de distance en distance sous les arbres, et qui donnèrent à cette foire l’air le plus misérable et le plus pauvre. Ensuite ils résolurent d’anticiper sur le feu que la ville est en usage de faire tirer tous les ans la veille de la Saint-Jean sur la Grève, de le renforcer, et de le faire tirer le 30 mai sur la nouvelle place de Louis XV, dont la colonnade serait illuminée après le feu, ainsi que toutes les façades des maisons de la capitale en conséquence, ils firent construire une espèce de décoration, la plus étroite et la plus mesquine qu’il fût possible de voir. Au lieu de placer cette décoration et le feu, ou vis-à-vis le Pont-Tournant des Tuileries, ou en face de la rivière, où le plus grand nombre de citoyens possible aurait pu jouir de ce spectacle, on érigea, mais de guingois, la charpente et sa décoration en face de cette rue appelée Royale, qui conduit de la porte Saint-Honoré, où finit le boulevard, dans la place de Louis XV, et c’est pour les spectateurs placés dans cette enfilade étroite que le feu devait être tiré : ceux qui étaient sur la place même ne pouvaient le voir que par derrière ; les personnes de rang étaient placées dans les deux colonnades de la place, qui sont séparées dans leur milieu par cette rue Royale dont j’ai parlé. Remarquez que cette rue, nouvellement alignée, n’est pas encore achevée, qu’elle est beaucoup plus large du côté de la place qu’à l’autre bout, du côté de la porte Saint-Honoré, où il y a encore de vieilles maisons à abattre ; remarquez aussi qu’elle n’est pas encore pavée, et qu’il y avait des deux côtés plusieurs larges fossés, creusés apparemment pour l’écoulement des eaux, ou peut-être pour empêcher les voitures de passer ailleurs que sur le milieu de la rue, qui est pavée ; remarquez qu’il ne vint dans la tête d’aucun des grands ordonna-