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traduction de paraître ; mais ces mesures, comme il arrive, n’ont fait qu’augmenter la curiosité du public. Elle a enfin paru en Hollande l’année dernière, et il vient d’en percer quelques exemplaires à Paris, parce que le procès de la Corse est plaidé et jugé, et que personne ne s’en occupe plus aujourd’hui. Mais depuis que les Français sont maîtres de cette île, il me semble qu’ils attaquent la véracité de M. Boswell, et qu’ils prétendent que sa relation n’est qu’un roman. Il m’est impossible d’avoir un avis sur ce procès.

M. Le Franc de Pompignan, moins célèbre par ses travaux littéraires et sa petite vanité que par les châtiments exemplaires dont elle a été suivie, a publié depuis peu une traduction française des Tragédies d’Eschyle, volume in-8° d’environ cinq cent cinquante pages. Ce pauvre M. de Pompignan inventerait aujourd’hui l’Évangile et l’Alcoran qu’il ne se relèverait pas de l’état d’humiliation dans lequel il s’abreuve de larmes depuis dix ans, c’est-à-dire depuis l’époque des abominables plaisanteries de Ferney. On n’a parlé de sa traduction que pour faire remarquer dans ses notes de petits traits lancés à la sourdine et avec une grande timidité contre M. de Voltaire, qui ne daignera pas s’en apercevoir on ne se venge pas de la petite fureur innocente d’un ennemi terrassé depuis dix ans. Il nous manquait une traduction complète des Tragédies d’Eschyle, nous n’en avions que les extraits informes du P. Brumoy : nous allons avoir encore une autre traduction de ce poète ; M. du Theil, officier aux gardes-françaises, grand amateur du grec, a précisément entrepris le même travail que M. de Pompignan ; et l’on dit que, quoique celui-ci l’ait prévenu, il n’en publiera pas moins sa traduction d’Eschyle, qui doit lui assurer la première place vacante à l’Académie des inscriptions et belles-lettres[1].

— Nous avons un certain M. Mercier, infatigable barbouilleur, qui a de la chaleur et qui l’emploie à composer des pièces qui n’ont pas le sens commun. Il paraît avoir pris à tâche d’emprunter non les sujets, mais les titres de pièces connues, et

  1. La Porte du Theil donna en effet, en 1770, Oreste, ou les Coéphores, tragédie d’Eschyle, traduction nouvelle avec des notes, in-8°, et fut reçu la même année à l’Académie des inscriptions. Il donna plus tard avec Rochefort une nouvelle édition du Théâtre des Grecs, du P. Brumoy, dans laquelle il inséra sa traduction d’Eschyle. (T.)