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et en cette qualité il peut devenir le protecteur de tous les artistes ses confrères. Carle Van Loo ne savait faire que de beaux tableaux ; il ne savait ni lire ni écrire ; ainsi il ne se mêlait d’aucun détail de sa place : il en avait les honneurs et le titre, et Cochin, secrétaire perpétuel de l’Académie de peinture, en exerçait les fonctions. Boucher, successeur de Van Loo, infirme et caduc, laissa les choses sur le même pied ; mais le roi vient de nommer pour son premier peintre M. Pierre, premier peintre de M. le duc d’Orléans, et celui-ci se trouve fort en état d’exercer, sans le secours de M. Cochin, toutes les fonctions attachées à sa place ; il a conservé en même temps sa place au Palais-Royal.

M. Pigalle est parti au commencement de ce mois pour se rendre à Ferney et pour y modeler la tête du patriarche, qui doit servir pour la statue qu’il commencera immédiatement après son retour. Il a voulu avoir un passe-port de M. d’Alembert, qui lui a donné une lettre pour le patriarche[1].

L’imbécillité dont M. d’Alembert se plaint est la suite du dépérissement de sa santé, qui n’a jamais été forte, et qui se dérange de plus en plus. Il a perdu le sommeil, et il maigrit de jour en jour. Il a été obligé, depuis plus de six mois, de renoncer à tout travail et à toute application, et cette privation du seul amusement d’une tête accoutumée à réfléchir influe sensiblement sur son humeur. Il a eu, peu de temps après son voyage de Potsdam, une maladie sérieuse et longue, dont il ne s’est jamais bien rétabli, et la faiblesse naturelle de son tempérament rend son état plus inquiétant.

Parmi les personnes remarquables qui ont souscrit pour la statue de M. de Voltaire, il ne faut pas oublier J.-J. Rousseau. Cet homme célèbre, se trouvant à Lyon, s’est adressé à M. de La Tourette, secrétaire de l’Académie des sciences et belles-lettres de cette ville, pour faire passer son contingent ici. Il lui a écrit à cette occasion la lettre suivante :


1770.

Pauvres aveugles que nous sommes !
Ciel, démasque les imposteurs,

  1. Elle se trouve dans la Correspondance de Voltaire et d’Alembert, sous la date du 30 mai 1770.