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le tout avec un très-sincère respect. Mes obéissances, je vous en supplie, à M. Necker. »

Malgré toutes ces façons, M. Pigalle est sur son départ pour aller modeler ce reste de visage.

— Je me croyais débarrassé pour la vie de toutes les charades faites et à faire lorsque, me trouvant à table l’autre jour avec mes amis, on me remit le billet suivant, de la part de M. Sedaine :


« Ce samedi 26 mai.

« Voulez-vous bien, monsieur, remettre à Mme de Prunevaux la charmante charade qui lui a été adressée et qu’elle a eu la bonté de me prêter ? Je comptais la lui rendre aujourd’hui, mais je ne peux avoir ce plaisir ; elle aura celui de la recevoir deux fois de votre main. Or écoutez la mienne :


Placée avant le nom qu’on donne à l’Éternel,
Ma première partie acquiert de l’importance,
MaAssez pour être condamnée en France
MaPar un édit, jadis très solennel ;
Ma seconde est charmante, et suivant le proverbe
Rien n’est plus beau que lui (car elle est masculin) ;
Si vous croyez pourtant un certain vers latin
MaTiré d’un ouvrage superbe,
Ma seconde est à craindre, elle a mauvais dessein ;
L’homme l’accueille assez, le sexe l’appréhende
Quoiqu’il l’aime beaucoup. Que vous dirai-je ? Enfin
Mon tout est justement ce que je vous demande.

« Pardon, monsieur, de tous les chagrins que je vous cause. J’espère ce soir savoir où en est votre conscience. Je vous embrasse. Mille respects et compliments à tous les convives.

« Si vous n’avez pas deviné cette charade, lisez le premier mot qui suit le dernier vers : c’est le mot de la charade. Tout le monde peut se rappeler le vers de Virgile qui est cité : Timeo Danaos et dona ferentes. »

— L’autre jour, en rentrant dans mon atelier, j’appris que Caton Diderot y était venu pendant mon absence, et qu’il avait porté des yeux indiscrets sur une de mes feuilles précédentes.