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pas douteux que ses descendants, s’il en a jamais[1], ne lui sachent gré un jour de cette signature ; ils diront : Un de nos ancêtres a signé la fameuse requête du menuet, au mariage du petit-fils de Louis XV, avec tous les pairs et toute la haute noblesse du royaume ; donc notre nom était dès lors compté parmi les plus illustres de la monarchie ; ils pourront dire encore : En 1770, au bal paré du mariage d’un Dauphin, un Villette disputa le pas aux princes de la maison de Lorraine ; c’est ce grand Villette, ajoutera un de ses petits-fils, qui publia à ses frais un Éloge de Charles V, et un Éloge de Henri IV, qui n’ont pu se dérober à l’injure du temps, ni dans les archives de la littérature, ni dans celles de notre maison ; et ils diront vrai. Beaucoup de preuves historiques ne sont pas établies sur des fondements plus solides.

Le roi, trois ou quatre jours après avoir reçu cette requête des grands et de la noblesse de son royaume, et deux jours avant le bal paré, y fit une réponse que Sa Majesté daigna composer et rédiger elle-même et écrire de sa propre main. Elle est conçue en ces termes :

« L’ambassadeur de l’empereur et de l’impératrice-reine, dans une audience qu’il a eue de moi, m’a demandé, de la part de ses maîtres (et je suis obligé d’ajouter foi à tout ce qu’il me dit), de vouloir marquer quelque distinction à Mlle de Lorraine, à l’occasion présente du mariage de mon petits-fils avec l’archiduchesse Antoinette. La danse au bal étant la seule chose qui ne puisse tirer à conséquence, puisque le choix des danseurs et danseuses ne dépend que de ma volonté, sans distinction de place (exceptant les princes et princesses de mon sang, qui ne peuvent être comparés ni mis en rang avec aucun autre Français), et ne voulant d’ailleurs rien changer ni innover à ce qui se pratique à ma cour, je compte que les grands et la noblesse de mon royaume me donneront des preuves de la fidélité, soumission, attachement et même amitié, qu’ils m’ont toujours marqués et à mes prédécesseurs, et ne feront jamais rien qui puisse me déplaire, surtout dans une occasion où je désire marquer ma reconnaissance du présent qu’elle m’a fait, qui, j’espère, ainsi que vous, fera le bonheur de mes jours. »

  1. Ce s’il en a jamais pourrait bien être une allusion de Grimm aux goûts qu’on supposait à M. de Villette, fort peu aimé des femmes, parce qu’il passait pour ne pas les aimer. (T.)