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rieusement frivole qui soit encore sortie de son portefeuille[1].

On a prétendu que le portrait de la marquise d’Ercy était tracé d’après le caractère de Mme de Cassini, sœur de ce petit M. Masson de Pezay qui porte des talons rouges, et qui se fait appeler par son laquais et même par son imprimeur Monsieur le marquis, à notre barbe, à nous qui avons tous connu Mme Masson sa mère, et qui prenions autrefois la liberté d’appeler familièrement monsieur le marquis le petit Massonnet[2]. Je veux bien accorder à M. Dorat que Mme de Cassini soit un peu coquette ; mais je ne lui accorderai jamais qu’elle soit coupable des noirceurs que le chevalier Dorat fait commettre à sa petite coquine d’Ercy ; ces sortes de gentillesses ne se croient pas sans preuves.

— Quant à M. le comte de Beauharnais, il est bien plus encore dans le cas de se plaindre de M. le romancier, qui le peint comme un monstre atroce, tandis que M. le comte est généralement reconnu pour un honnête et bon homme. Tout le monde sait que, retiré par goût et par raison dans ses terres près de la Rochelle, M. le comte de Beauharnais a établi sa femme à Paris de la manière la plus décente, chez son père ; il lui donne de quoi vivre honnêtement, suivant ses moyens et sa fortune ; il ne la gêne en rien ; il n’a jamais pensé ni à faire enlever sa femme par un coup d’autorité, ni à égratigner la peau d’aucun de ses adorateurs ; et pour punir le chevalier Dorat de ses calomnies, j’espère qu’il ne pensera pas davantage à se casser le cou à la chasse, et que l’amant de sa femme se morfondra encore longtemps dans son jardin avant d’avoir le droit de passer par la porte vitrée dans le lit nuptial.

  1. Ce reproche de mettre du blanc, joint à celui de se faire aider pour ses vers, donna lieu à Pezay d’adresser une épître à Mme de Beauharnais, dans laquelle il dit que, pour le blanc, c’est calomnie ; mais, ajoute-t-il,

    Vos vers, c’est bien une autre histoire.


    Il n’est guère possible de ne pas reconnaître là la comtesse de Beauharnais, dont Le Brun disait :

    Chloé, belle et poëte, a deux petits travers :
    Elle fait son visage, et ne fait pas ses vers.

  2. Voir quelques détails sur Pezay au commencement du mois de novembre 1777 de cette Correspondance.