Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le 6 avril prochain. Cette vente est une des suites du déplacement de ce ministre, et de la nécessité d’arranger ses affaires ; et cette nécessité impérieuse privera Paris d’un de ses plus précieux cabinets, et du seul qui s’était formé en ces derniers temps, après la ruine de ceux de MM. de Julienne, Gaignat et Crozat de Thiers. Le cabinet de M. le duc de Choiseul commençait à devenir un des plus intéressants de cette capitale ; ce ministre l’enrichissait non-seulement des nouvelles acquisitions qu’il était à portée de faire en France, mais aussi des débris précieux qu’il enlevait de temps en temps à la Hollande, où le peintre et brocanteur Boileau faisait des voyages à cette intention. Vous ne trouverez point de tableaux italiens dans cette collection ; M. le duc de Choiseul, malgré son séjour à Rome lors de son ambassade, n’avait appris à aimer ni les tableaux, ni la musique de ce peuple qui a enseigné les arts au reste de l’Europe. Il était trop sensible aux choses de pur agrément, et plus à un trait d’esprit brillant qu’à un ouvrage d’un grand goût ou d’un grand style.


15 février 1772.

Deux romans nouveaux ont occupé le public pendant quelques jours sur la fin de l’année dernière : disons d’abord un mot du plus agréable. C’est un nouveau roman de Mme Riccoboni, intitulé Lettres d’Élisabeth-Sophie de Vallière à Louise-Hortense de Canteleu, son amie, 2 parties in-12. Ces Lettres, qui ont eu beaucoup de succès, sont écrites avec cette grâce, cette légèreté et cette touche spirituelle qui caractérisent le style de Mme Riccoboni. Tout écrivain, tout artiste qui a une manière à lui n’est pas un homme vulgaire : celle de Mme Riccoboni est très-distinguée, et lui assure une place parmi les plumes les plus élégantes de son sexe que la France ait produites. Ses Lettres de Juliette Catesby sont un petit chef-d’œuvre de perfection. Un auteur qui n’aurait jamais fait d’autre preuve de talent ne pourrait pas être effacé de la liste des écrivains distingués d’une nation. Je conviens que toutes les productions de la plume de Mme Riccoboni ne valent pas celle-là, et pour ne parler que de la dernière, je ne mets pas les lettres de Sophie de Vallière à côté de celles de Juliette, mais je les mets fort au-dessus des derniers romans que Mme Riccoboni a publiés. Cela est plein