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nière, M. de Belloy, citoyen de Calais, restaurateur du patriotisme français, et promoteur du genre national. Le nouveau promu à l’immortalité fit son entrée dans le bercail académique le 9 janvier dernier, et M. l’abbé Batteux le reçut à la place de M. le duc de Richelieu, que des occupations plus patriotiques retenaient sans doute à la cour, dans le sanctuaire de nos rois, et empêchaient de s’acquitter des fonctions de directeur de l’Académie dans le sanctuaire des Muses. C’est dommage que M. de Belloy, avec cet amour pour sa nation, dont le feu le consume, n’ait pas reçu du ciel le don de parler sa langue, de s’y exprimer avec correction et avec pureté, de rendre enfin ses idées par un choix et une propriété de termes sans lesquels il est impossible d’aspirer à aucune sorte d’éloquence. On a beau être honnête homme, Français à pendre et à dépendre, avoir l’âme citoyenne, posséder cet enthousiasme, ce patriotisme d’antichambre que M. Turgot a si heureusement démêlés dans un certain ordre de nos écrivains, il est fort difficile de graver nos sentiments dans le cœur de nos compatriotes avec un style faible, indécis, entortillé, toujours à côté et au-dessous de la pensée qu’il prétend exprimer. Il semblerait que le premier titre pour entrer dans l’Académie devrait être d’écrire purement et correctement, et que le défaut contraire ne saurait manquer d’être un titre d’exclusion ; mais l’Académie, consultant la perspective qu’elle peut avoir pour réparer ses pertes successives, a cru devoir s’écarter de cette condition, désormais trop sévère, et se borner au choix des bons cœurs, des bons citoyens, des grands patriotes ; car si notre gloire littéraire devient tous les jours plus mince, en revanche nos vertus et notre patriotisme vont, au su de tout le monde, toujours en augmentant, et la preuve en gît dans cette noble intrépidité et cette rare persévérance avec lesquelles nous avons assisté au panégyrique de toutes nos vertus dans le Siège de Calais et dans Gaston et Bayard, pendant trente représentations de suite. D’ailleurs M. l’abbé Batteux promet à M. de Belloy, de la part de l’Académie, outre trente-neuf cœurs français de compte fait, une suite de discussions littéraires qui servent à perfectionner le style et à épurer le goût. Il aurait pu ajouter qu’il y trouvera aussi des leçons de géométrie tout en apprenant son français, et des leçons à confondre l’Académie des sciences. M. l’abbé Batteux est