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cadettes[1], et qu’il ne l’a jamais été qu’aux filles princesses du sang sur les femmes de qualité.

« Ils croient, sire, qu’ils manqueraient à ce qu’ils doivent à leur naissance, s’ils ne vous témoignaient combien une distinction aussi humiliante pour eux qu’elle est nouvelle ajouterait à la douleur de perdre l’avantage qu’ils ont toujours eu de n’être séparés de Votre Majesté et de la famille royale par aucun rang intermédiaire, et s’ils ne vous représentaient avec le plus profond respect les raisons qui s’opposent à des prétentions qui ne blessent pas moins la dignité de la nation et de votre couronne que les prérogatives de la noblesse française. Ils se flattent qu’elles toucheront Votre Majesté, et que sa bonté ne lui permettra pas de souscrire à une demande dont l’effet ne pourrait que mortifier un corps qui a toujours été le plus ferme soutien de la monarchie, et qui n’a cessé de prodiguer son sang et sa fortune pour en augmenter la gloire et la grandeur.

« Il n’y a point d’honneur, sire, dont la noblesse française soit plus jalouse que d’approcher de ses rois, et elle croit défendre le plus précieux de ses avantages, en défendant le rang qu’elle tient auprès de Votre Majesté. Attachée au trône dès le commencement de la monarchie, elle n’en a jamais été séparée par qui que ce soit : c’est un ordre que les rois vos prédécesseurs ont toujours maintenu ; et lorsque François Ier, pour faire honneur au duc d’Albanie, frère du roi d’Écosse, qui était en France, le fit placer entre un prince du sang et un pair du royaume, il crut devoir déclarer que c’était pour cette fois seulement, et ordonner que les pairs s’asseyeraient dorénavant en ses cours et conseils les premiers, les plus prochains de sa personne, et commanda d’en faire registre.

« Les puînés de Clèves, dont la maison précédait en Allemagne celle de Lorraine ; ceux de Luxembourg, qui comptaient quatre empereurs et six rois de Bohême parmi leurs ancêtres ; ceux de Savoie, issus d’une maison qui régnait souverainement depuis cinq cents ans, se sont conformés à l’ordre ancien du

  1. Ceci est un peu obscur : le rédacteur, si je l’ai bien compris, n’a cependant voulu dire qu’une vérité très-commune, savoir, que les princesses du sang mariées prennent le pas sur les princesses du sang non mariées, sans avoir égard à l’ancienneté des branches. Ainsi Mademoiselle, fille de M. le duc d’Orléans, avant son mariage cédait le pas à Mme la comtesse de La Marche. (Grimm.)