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moine, et peut-être eunuque ; de sorte qu’on n’en entend plus parler. Vous croirez sans doute que l’auteur vous conte des fagots de l’autre monde ; mais il dit qu’ils ne sont que de l’autre siècle, et qu’il n’y a pas cent ans que cela est arrivé.

— Il y a des âmes délicates dans tous les ordres. Un avocat, M. Jobart, ayant su que ses confrères, du moins en grande partie, avaient résolu de reprendre leurs fonctions auprès du nouveau Parlement, crut devoir faire comme les autres. Le soir il va souper, selon son usage, avec sa maîtresse, qui le chasse honteusement en lui reprochant sa faiblesse. Il rentre chez lui sans souper, et, n’écoutant que son désespoir, il se fait à lui-même, le plus heureusement du monde, l’opération qu’on subit pour la conservation de la voix. Après quoi, il envoie à ses confrères rentrés le quatrain suivant :


Je ne vous suis plus rien, orgueilleux avocats ;
Je renonce à votre ordre et quitte la partie.
J’en ai perdu le droit, et perdu pour la vie ;
Rentrez, si vous voulez, je ne rentrerai pas.

Le fait est véritable. Cette héroïde est courte ; mais elle va au fait et emporte la pièce.


FÉVRIER.
1er février 1772.

Le 19 janvier dernier, je sortis de l’Opéra de Manheim sur les neuf heures du soir, je montai dans ma chaise à minuit, et sans en sortir, sans me coucher, sans me déshabiller, je me trouvai, le 23 suivant, à la porte de la Comédie-Italienne, rue Mauconseil, pour assister à la onzième représentation de Zémire et Azor, comédie-ballet en vers et en quatre actes, mêlée de chants et de danses. Il y aurait dans cet exploit de quoi immortaliser un petit-maître, mais parce que je ne suis qu’Allemand, pour parler le langage patriotique de M. de Belloy, parce que je suis obscur, modeste et un peu nigaud, vous verrez qu’il n’en sera pas plus question que s’il n’avait pas