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MANDEMENT DE MONSEIGNEUR L’ARCHEVÊQUE D’AIX
Portant condamnation
Contre les ouvrages imprimés du nommé marquis d’argens,
Et concluant à sa proscription du royaume.

Jean-Baptiste-Antoine de Brancas, par la miséricorde divine et par la grâce du saint-siège, archevêque d’Aix, à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction.

« Jésus-Christ a dit, mes chers frères : « Vous verrez parmi vous de faux prophètes et de faux christs ; vous ne devez pas les croire. » Le grand Apôtre des Gentils dit dans un autre endroit : « Il s’élèvera dans les derniers temps des hommes puissants en erreurs qui corrompront l’Église. » Ne vous semble-t-il pas, mes chers frères, que nous vivons dans ce siècle si clairement désigné par les Écritures ? Cette malheureuse prédiction ne s’accomplit-elle pas évidemment de nos jours ? Le sens que les écrivains inspirés attachent aux mots faux prophètes, faux christs, hommes puissants en erreurs, n’a pas besoin de vous être expliqué. Ce sont ces loups dévorants dont les dents san-

    peu trop durement peut-être, les auteurs de ce Nécrologe, et de raconter à sa manière l’anecdote de l’opuscule composé par le roi de Prusse afin de déterminer le marquis d’Argens à quitter la Provence, sa patrie, et à revenir en Prusse. Frédéric II rédigea sous le nom de l’évêque d’Aix un mandement* contre les ouvrages de son chambellan. Il en envoya plusieurs exemplaires au valet de chambre du marquis, avec ordre d’en placer un sur la cheminée de son maître. Le marquis, effrayé par ce mandement, fit ses paquets et reprit la route de Potsdam en diligence. L’imprimé ne sortait pas de ses mains. En relisant le titre et le préambule, il vit, dit M. Thiébaut dans ses Souvenirs (tome V, p. 350 et suiv.) que le saint pasteur se qualifiait évêque et non archevêque ; cette observation fut pour lui un trait de lumière qui lui fit deviner toute la supercherie. Aussi le lendemain, avant de partir, il fit mettre à la poste une lettre où, rendant compte à Frédéric de son empressement à le rejoindre, il lui racontait comment le démon de la guerre avait cherché à soulever une brebis fidèle contre son pasteur, ajoutant que si le diable avait jeté les yeux sur l’Almanach royal, il y aurait vu que la ville d’Aix a un archevêque, et non simplement un évêque ; qu’il allait écrire à notre saint-père le pape pour lui dénoncer cette diablerie, etc., etc. Il paraît que Grimm avait sous les yeux une copie du mandement où se lisait le mot archevêque ; ce qui l’a empêché de raconter cette anecdote dans toute son étendue. M. Thiébaut semble avoir lu la lettre du marquis, dont il cite un long passage. Ainsi son récit mérite toute créance. (B.) *. Voir ce mandement dans les Œuvres complètes de Frédéric, édition Preuss, tome XV, p. 175.