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mée à part ; elle a été jugée avec rigueur et condamnée avec justice. On n’y remarque plus la griffe du lion : cela sent la caducité, la décadence totale. Triste découverte, qui nous prouve que rien n’est éternel ; c’est de toutes les vérités celle qui a le moins besoin de preuves. Les Pélopides sont aussi inférieurs aux Scythes et aux Guèbres, que ceux-ci le sont à Zaïre et à Mahomet. Le vieux malade relève très bien, dans une préface de deux pages et demie, tous les défauts de la pièce de Crébillon ; mais malheureusement la sienne ne mérite pas même un examen réfléchi ; elle n’est bonne qu’à supprimer. Cependant ceux qui ont du goût reconnaîtront encore dans sa versification, malgré le symptôme de la faiblesse, le ramage du premier poëte du siècle. On a remarqué que la pièce imprimée à Paris[1] a eu pour censeur Crébillon, fils du premier père d’Atrée, et que ce censeur atteste n’avoir rien trouvé dans la tragédie de M. de Voltaire qui ne lui ait paru devoir en favoriser l’impression. Cette formule, dont plusieurs censeurs se servent, n’a pas paru exempte de malignité dans cette occasion. Toutes les fois que M. de Voltaire a traité un sujet traité par Crébillon, on a crié à l’envie, et il y a eu un déchaînement effroyable contre lui. Le public était bien bête, s’il m’est permis de le dire, de se gendarmer contre une émulation qui tournait tout entière au profit des arts. Plût à Dieu que cette envie pût gagner tous les hommes, et que leurs jalousies ne produisissent jamais d’autres effets que de les engager à faire des efforts pour se surpasser en génie, en gloire et en vertus ! Le genre humain serait trop heureux. Je voudrais, pour ma propre satisfaction, n’avoir eu d’autres reproches à faire, en 1771, à notre patriarche, que d’avoir composé une tragédie faible et languissante ; ses amis en seraient très contents ; la tragédie des Pélopides n’empêchera pas que l’auteur n’ait fait cette foule de beaux ouvrages qui dureront autant que la langue française.

M. Anquetil-Duperron, de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, publia, il y a environ six mois, son Voyage dans l’Inde, avec la traduction du Zend-Avesta et des livres sacrés des Guèbres attribués à Zoroastre. Ce fatras formait trois énormes volumes in-4° qui ne se sont pas vendus, et que per-<

  1. Les Pélopides, ou Atrée et Thyeste, Paris, Valade, 1771, in-8°.