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fait vaquer une place importante qui approche de la personne du souverain, et que les circonstances peuvent rendre infiniment intéressante. Elle est d’ailleurs très-lucrative, et il passe pour assez constant qu’elle a valu tous les ans plus de cent mille livres de rente à Mme Sénac.

— Le baron de Thiers, brigadier des armées du roi, mourut aussi le 15 du mois dernier. C’était le dernier des Crozat, qui ont tous laissé des fortunes immenses. Il était père de Mme la maréchale de Broglie, et oncle de Mme la duchesse de Choiseul. Il possédait un cabinet de tableaux célèbre par le choix et la richesse des morceaux qui le composent ; après la collection du Palais-Royal, c’est la plus considérable qu’il y ait en France. J’évalue la totalité de ces richesses à près de quatre cents tableaux, dont il y en a au moins une centaine de supérieurement beaux. M. de Thiers possédait aussi des portefeuilles précieux de dessins originaux des plus grands maîtres d’Italie.

— Je ne répondrais pas de l’efficacité du remède que vous trouverez indiqué dans le récit que vous allez lire : mais un pharmacopole littéraire, ou, s’il faut parler plus simplement, un épicier-droguiste comme moi, doit avoir de tout dans sa boutique, et si mon remède souverain pour les maux de poitrine ne guérit personne, il ne pourra du moins faire aucun mal. Lisez et prenez, si vous en avez besoin, si vous avez de la foi ou des bouteilles à boucher.

Un officier en garnison à Rochefort, ennuyé d’avoir fait inutilement tous les remèdes usités pour se guérir d’un rhume opiniâtre, cessa d’en faire et reprit sa vie ordinaire. Le crachement de sang arriva bientôt, et sa poitrine parut s’affecter : malgré cela il s’obstina à ne rien faire. Un jour, ayant tiré une pièce de vin dans sa cave, il se fit apporter dans sa chambre une demi-livre de résine et une demi-livre de cire jaune, qu’il mit fondre sur un réchaud dans un vase de terre, et dont il cacheta les bouteilles. Cette opération l’ayant occupé environ une heure et demie, il crut s’apercevoir qu’il crachait plus facilement, et que sa toux était moins sèche et moins fréquente. Il pensa que la fumigation que le hasard lui avait fait faire pouvait y avoir contribué ; en conséquence il la recommença en tenant ses portes et fenêtres fermées, et en se promenant à travers la nuée formée par la fumée. Au bout de quatre ou cinq jours il se trouva