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aiment à se divertir d’ouvrages ridicules. Il dit alors qu’il méditait de traiter le sujet du roi Balthazard en tragédie, qu’il fit effectivement imprimer quelques mois après ; et il nous dit, à ce sujet, qu’il s’étonnait toujours d’entendre nos faiseurs de poétique s’écrier sur la difficulté d’un plan de tragédie ; que, quant à lui, il avait pour cela un secret immanquable. « Le nœud, ajouta-t-il, est toujours au cinquième acte ; et quant à mon Balthazard, par exemple, tout consiste à savoir s’il soupera ou non au cinquième acte, car s’il ne soupe pas, la main ne peut pas écrire sur la muraille, et adieu la pièce. Or, puisque je veux qu’il soupe, je dirai au premier acte, il soupera ; au second, il ne soupera pas ; au troisième, il soupera ; au quatrième, il ne soupera pas ; vous voyez bien qu’il faut qu’il soupe au cinquième, et que cela va sans dire. Et si je ne voulais pas qu’il soupât, je commencerais mon premier acte par dire, il ne soupera pas. » Ma foi, notre curé de Mont-Chauvet était un grand homme ; il savait le secret de nos meilleurs faiseurs.

— Un jeune éléphant de cinq ans, qu’on montre ici depuis quelques jours pour de l’argent, a donné lieu au quatrain suivant :


Cet éléphant, sorti d’Asie,
Vient-il amuser nos badauds ?
Non il vient avec ses rivaux
Concourir à l’Académie.

Ma foi, la plupart de ceux qui se présentent en ce moment-ci pour l’Académie seraient fort heureux d’avoir autant d’intelligence que cet animal en a dans sa trompe. Vous aimerez mieux que ce mauvais quatrain le propos de Duclos, qui disait ces jours passés : « Messieurs, parlons de l’éléphant : c’est la seule bête un peu considérable dont on puisse parler en ce temps-ci sans danger. »

— Outre les deux places vacantes à l’Académie française par la mort de M. de Moncrif et du président Hénault, il en vaque une troisième par la mort de M. l’abbé Alary, prieur commendataire de Notre-Dame de Gournay-sur-Marne, décédé le 15 décembre de l’année dernière, à l’âge de quatre-vingt-un ans. Il avait été attaché à l’éducation du roi, et ensuite de feu M. le dauphin et des Enfants de France. Il était créature du feu cardinal de