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Prado, un des gentilshommes de la chambre du roi, reçut entre autres deux ou trois violents coups sur la tête. Sur ces entrefaites, toute la cour se rassembla, et l’homme aurait été mis en pièces, si le roi n’avait crié : « Ne le tuez pas, mais qu’on le mène chez don Louis d’Acunha, » un des secrétaires d’État. Quand cet homme fut examiné, on lui demanda qui il était, et comment il avait pu se laisser aller à commettre une action aussi téméraire ; il répondit qu’il était un vieux soldat réformé, que le roi lui devait huit années d’arrérages sur sa solde, plusieurs habits d’uniforme, et un petit mulet qu’on lui avait enlevé de force ; qu’il avait remis à ce sujet une requête au roi sans obtenir aucune réponse ; qu’il en avait présenté une autre à Sa Majesté. Cet événement, monsieur, vous paraîtra sans doute aussi inconcevable qu’à moi. Cet homme a servi jadis dans un régiment d’artillerie, dans la garnison où vous commandiez, et a toujours passé pour un homme très-déterminé. Il dit qu’il sait très-bien qu’on le mettra à mort, car je pense que c’est le premier exemple que nous ayons dans l’histoire d’un roi insulté publiquement de cette manière, mais qu’il a fait ce qu’il se devait à lui-même, etc. »

— Le succès éclatant de la Comtesse Tation a réveillé la passion nationale pour les jeux de mots, pointes, calembours, rébus, charades, et autres nobles exercices de l’esprit. La charade est une sorte d’énigme dont on partage le mot en autant de parts qu’il y a de syllabes ; on assigne ensuite à chaque part sa propriété, et puis on dit la propriété du tout. Ainsi je dirai : ma première partie n’est jamais mauvaise, ma seconde n’est jamais malpropre, et mon tout est souvent l’un et l’autre. Le mot de cette charade est Bonnet, parce que ce qui est bon n’est jamais mauvais, ce qui est net n’est pas malpropre, et qu’un bonnet peut être mauvais et malpropre. C’est ainsi que ces jours passés, par un effort de génie sublime, ou par un de ces bonheurs qu’on ne peut se promettre, et dont il faut se féliciter quand on l’a obtenu, j’ai eu la gloire immortelle d’inventer la charade suivante : ma première partie se plante, ma seconde se noue, et mon tout est tout pour moi. Si vous n’en devinez pas mot, vous ne le saurez qu’à la fin de cet article. Cela me rappelle une charade qu’une très-jolie femme de vingt ans adressa