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son attente, jette le bonnet et le manteau dans le puits, et enferme son compère dans le tombeau, au moyen d’une herse de fer qu’il baisse, parce qu’il suppose qu’il a voulu garder les choses précieuses pour lui-même, en jetant les guenilles à son associé. À peine a-t-il fait cette belle équipée, qu’il est obligé de se sauver au plus vite, au moyen d’une échelle, sur l’appui d’une fenêtre d’un premier étage, parce que la garde des janissaires repasse. Ainsi, au moment où elle reparaît, les trois principaux acteurs sont, l’un dans un puits, l’autre dans un tombeau, et le troisième perché sur une fenêtre. Quant à messieurs les janissaires, ils sont esprits forts et libertins : non-seulement ils ont été, au mépris de leur loi, au cabaret, s’enivrer avec du vin : mais, préposés à la police de la ville, ils viennent ici crier en corps au milieu de la place publique :


Ah ! qu’il est bon, qu’il est divin !
Ah ! qu’ilVive le vin !
Ma foi, que Mahomet en gronde,
De ses menaces je me ris.
À tous les prophètes du monde
Je préfère ce vin exquis.
AhL’Alcoran n’est qu’un grimoire ;
Je n’y crois plus, et je veux boire…


Cela est à peu près aussi sensé que si le guet préposé à la garde de Paris allait faire tapage dans les rues pendant la nuit, ou casser les vitres, ou faire quelque autre acte contraire à la police, et que, pour assaisonner tout cela, il chantât à tue-tête, dans les carrefours, des chansons contre Jésus-Christ. Les janissaires, pour avoir trop bu de vin, sont altérés, ils veulent tirer de l’eau du puits pour se rafraîchir ; au lieu d’eau, ils en tirent notre amoureux, qui, s’étant affublé du manteau et du bonnet de mufti, leur fait une peur épouvantable et les fait tous enfuir. Sa maîtresse revient, le reconnaît ; ils découvrent leurs deux oncles, l’un enfermé dans le tombeau, l’autre en haut d’une fenêtre ; ils les obligent dans cet état à consentir à leur mariage et à leur promettre la restitution de leur bien ; à cette condition ils les délivrent, et la pièce finit.

À la première représentation, c’étaient le consul de France et le cadi qui venaient faire le dénoûment. Le métier du cadi,