Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vertueux sujets ! Puissent-ils, pendant des milliers de siècles, fournir l’empire de leurs pareils ! »

Il y a dans ces vœux un caractère de paternité qui attendrit et enchante. En général, vous ne trouverez rien dans ce poëme de ce que nous appelons allégories, fictions ; mais il y a ce qu’on appellera, dans tous les pays du monde et dans tous les siècles à venir, de la véritable poésie.

La pièce qui suit le poëme contient des recherches savantes sur les différentes sortes de caractères chinois.

À ce morceau succèdent des notes extraites par le traducteur de plusieurs commentateurs chinois du poëme de l’empereur, et des traits intéressants sur l’histoire naturelle, civile, religieuse, des Chinois et des Tartares.

Le volume est terminé par une ode sur le thé, de la composition de l’empereur. Elle est en vers de cinq syllabes, non rimés. Il y a vingt-cinq vers, et par conséquent en tout cent vingt-cinq syllabes, que le traducteur n’a pu rendre qu’en quatre bonnes pages de notre langue : d’où je présume que le poëme sur Moukden, de sept huitièmes au moins plus court que la traduction, qui remplit cent vingt-six pages in-8°, n’est pas de quatre cents vers.

On a placé les vers chinois de l’ode sur le thé à la tête de la traduction, sur laquelle j’ose prononcer que nos La Fare, nos Chaulieu, nos Anacréon antiques et modernes, n’ont rien produit avec plus de verve, de grâce, de sentiment, de sagesse et de goût. Je n’en aurai pas meilleure opinion des mœurs chinoises, si vous voulez, mais je penserai avec un peu plus de réserve et moins de dédain de leur littérature. Je vous invite à copier cette ode, en la retouchant légèrement. Une gageure que je gagnerais, ce serait de retrouver les véritables tours de l’original sur le genre seul de ce poëme et les données de la traduction. Il m’est arrivé souvent avec Huber, qui me lisait des morceaux traduits de l’allemand, dont je n’entends pas un mot, de l’arrêter, et de lui dire : « Le poëte n’a pas dit ainsi : voici comment il a dit, voilà l’ordre de ses idées », et de rencontrer juste. Il y a donc dans la langue poétique quelque chose de commun à toutes les nations, de quelque cause que cela vienne.

Je ne suivrai point le conseil du philosophe, et je ne trans-