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Moukden ! J’ai reconnu Moukden dans les pays de Pin et de Ki ; j’ai reconnu ma patrie dans la montagne de Kiao-chan.

« Trois fois l’empereur, mon grand-père, s’est rendu à Moukden ; trois fois il a visité les tombeaux de ses ancêtres. Les grandes occupations qui remplirent la durée du règne de mon père ne lui permirent pas de voir Moukden ; mais il avait satisfait à ce devoir, n’étant encore que simple régulo. L’empire m’étant transmis, je ne passe aucun jour sans penser aux moyens de m’approcher de mes ancêtres. Je me transporte en esprit à Moukden, et je m’écrie : Sépultures dont le nom ne doit jamais périr ! sépultures fortunées ! sépultures rayonnantes de gloire ! Ô mes aïeux ! si je ne me soustrais à la multitude des soins qui me pressent, comment pourrai-je me rendre sur vos tombeaux, et me prosterner devant les cendres qu’ils renferment ? Comment laisserai-je à la postérité le témoignage et la leçon du respect que je porte à ceux qui m’ont donné le jour ?

« Ce fut pour remplir cette essentielle obligation que, la huitième année de mon règne, l’automne étant déjà commencé, et l’impératrice, ma mère, voulant bien permettre que je lui servisse respectueusement d’appui pendant le voyage, je partis de Pékin. Arrivé dans ces lieux où mes ancêtres ont autrefois tenu leur cour, je sentis la piété filiale remplir toute l’étendue de mon cœur ; je révérai les vestiges de mes aïeux. Je vis ces montagnes couvertes de verdure, ces rivières où coule une onde transparente, ces campagnes fertiles, ces lieux enchantés qui semblent se ressentir encore de la présence de leurs anciens maîtres, et j’éprouvai une joie inexprimable. Je vis ce peuple sincère et bon, qui vit heureux parce qu’il est content de son sort ; qui vit sans inquiétude parce qu’il vit dans une honnête abondance ; et je l’admirai. Voilà, disais-je en moi-même, voilà les contrées que le ciel favorise, les contrées de Pin et de Ki ! Ô contrées de Pin et de Ki ! c’est vous qui apprenez à gouverner les hommes ! Le souverain maître du ciel protège d’une manière spéciale le pays de Pin et le pays de Ki ; on disait dans l’antiquité la plus reculée d’un bon souverain : Il a demeuré à Pin.

« Instruit de ce que la vénérable antiquité a dit de ma patrie, pourquoi ne joindrais-je pas ma voix à la sienne ? »

Célébrer les affaires qui se traitent dans une contrée, c’est le sujet du Toukietchoun ; chanter les richesses qu’elle produit