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Marié, ou les Importuns, comédie en prose et en un acte, mêlée d’ariettes. Il ne manque à cette pièce que la verve et la folie nécessaires pour être non-seulement excusée, mais encore applaudie. Elle est de M. Cailhava d’Estandoux, qui aurait bonne envie de remettre la farce en honneur sur notre théâtre, et qui y aurait déjà réussi s’il avait autant de talent que de zèle. Bien lui en a pris de faire jouer l’oncle et le neveu par Caillot et par Clairval : la complaisance de ces acteurs, dans un temps où ils sont surchargés de nouveaux rôles pour le voyage de Fontainebleau, a procuré au Nouveau Marié un succès complet, qui a été interrompu depuis par un enrouement survenu au charmant Caillot. La musique est de M. Baccelli, Italien, mari de cette grosse actrice qui joue les rôles de mère dans les pièces italiennes, et par conséquent père ou beau-père de Mlle Argentine, qui a succédé à Camille dans les rôles de Colombine. M. Baccelli, qui a fait ici son coup d’essai, connaît, comme les Italiens les moins habiles, les effets de l’art d’arranger une partition, c’est-à-dire qu’il sait un peu le métier, mais il n’a point d’idées ; sa composition est prise de droite et de gauche, et ne donne point de résultat. Dans le temps que les Sosie et les Blaise tournaient la tête au public avec leurs pauvretés, M. Baccelli aurait passé pour un aigle ; cela ne se peut plus quand il y a un Philidor et un Grétry. Si ce dernier avait fait la musique du Nouveau Marié, tout mauvais qu’il est, par la grâce de M. d’Estandoux, il aurait pu devenir, par la grâce de M. Grétry, le pendant du Tableau parlant.

— Le général Molé s’étant trouvé excessivement fatigué à son retour du Malabar[1], il a fallu lui accorder un quartier de rafraîchissement jusqu’au voyage de Fontainebleau, et la Comédie a vécu depuis six semaines sur le début d’un acteur de province, nommé Dorseville. Quoique applaudi du parterre, il n’a attiré personne. Il a joué les rôles de Titus dans la tragédie de Brutus, d’Égiste dans celle de Mérope, de don Pèdre dans Inès de Castro, et plusieurs rôles d’amoureux dans le haut comique. Cet acteur n’a pas l’ombre de talent ; il possède cette médiocrité qui me désespère, et qui m’est mille fois plus insupportable dans les arts que ce qui est franchement et décidément mauvais. Il est de la

  1. Molé remplissait le rôle du général français dans la Veuve du Malabar.