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tée ; et serait ledit intendant sommé de justifier son dire, en rapportant des quittances en due et bonne forme de mondit seigneur de Voltaire, Ferney et autres lieux. Cet arrêté n’a pas été mis en délibération.

La cour a aussi sursis à délibérer sur l’endroit où la statue de mondit seigneur patriarche doit être placée. J’ai dit que le théâtre de la Comédie-Française étant un des temples d’où les leçons et les oracles dudit seigneur patriarche avaient retenti dans toute l’Europe, sa statue pouvait être offerte à MM. les Comédiens ordinaires du roi, pour être placée et exposée à la vénération des fidèles dans la nouvelle salle qu’ils projettent de bâtir. J’ai ajouté qu’on pouvait faire beaucoup mieux, en faisant exécuter la statue en bronze, et la plaçant sous la statue équestre de Henri IV, érigée sur le Pont-Neuf. Cette idée me paraissait d’autant moins à dédaigner qu’en donnant à la tête et aux yeux du modèle fait par M. Pigalle la direction vers ce meilleur roi de la France, le chantre fixerait son héros avec un regard plein de feu et d’enthousiasme, et qu’au surplus saint Jean se trouvait de droit sous la croix de son divin maître. La cour s’est contentée de hausser les épaules, et a déclaré avoir ses raisons pour persister, quant à présent, dans son refus de délibérer sur le fond de cette question. En attendant, l’Académie française a cru devoir s’attribuer l’approbation que le roi de Prusse donne ici manifestement à la cour des pairs, à qui seule appartient l’honneur du projet, et dont la moitié au moins ne sont pas membres de ce corps. M. d’Alembert ayant communiqué la lettre du roi à quelques-uns des Quarante, ses confrères, ils ont fait demander par lui l’agrément de Sa Majesté de faire inscrire cette lettre dans les registres de l’Académie, comme un monument glorieux pour le corps des gens de lettres. Il est vrai que la cour des pairs s’étant érigée elle-même de sa pleine puissance, autorité et science certaine, elle ne s’est point encore créé des registres, mais si Sa Majesté consent à la publication de sa lettre, elle sera certainement conservée dans les fastes de l’immortalité.

Tandis que tout conspire à payer au patriarche, de son vivant, le tribu d’admiration que les grands hommes n’obtiennent ordinairement qu’après leur mort, il est dans la règle que l’envie frémisse, et que la jalousie se déchaîne. On a répandu