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MAI 1768.

gertrude. Si j’avais voix au chapitre aux Traits galants, je conseillerais d’inventer la glaneuse. On voit que l’empire universel de la mode est fondé sur le succès de l’opéra-comique[1]. Pour nous défaire de la moissonneuse, l’auteur nous apprend que le bonnet au doux sommeil, qui a quelque ressemblance avec la baigneuse, est réservé au séjour de la campagne ou pour les cas d’indisposition ; et, comme il a soin de remonter aux premiers principes, il conseille aux dames qui veulent être bien montées en bonnets d’envoyer leur signalement. Le Courrier de la mode a bien donné le sien dans la feuille qu’il vient de publier ; je lui conseille de se faire teneur de livres chez Mlle Alexandrine, ou garçon de boutique chez M. Dulac.

— Peu de jours après l’ouverture des théâtres, M. Le Kain a reparu sur celui de la Comédie-Française, après une absence de neuf mois : il a été reçu avec des transports de joie et avec les plus vifs applaudissements. Il n’a joué que cinq ou six fois ; sa santé n’étant pas encore bien rétablie, on lui a encore accordé un congé pour tout l’été, et il va partir pour les eaux. On a craint longtemps que cet acteur ne fût absolument perdu pour le théâtre.

M. Grandval vient de se retirer de ce théâtre pour la seconde fois, et tout de bon : il était rentré il y a sept ou huit ans, après une retraite de deux années. On espérait qu’il serait encore de quelque ressource ; mais il avait désappris à jouer ses anciens rôles, et il s’est inutilement essayé à en jouer d’un autre genre. Cet acteur, que nous avons vu charmant, était devenu détestable ; tant il y a un terme à tout, que la prudence ne doit pas se permettre d’outre-passer.

Il s’est, au reste, élevé de vives contestations dans l’intérieur de la Comédie, particulièrement entre Mlle d’Epinay et Mlle Hus. Celle-ci, ayant déjà usurpé sur l’autre l’emploi de petite coquette, a encore voulu envahir les rôles de grande coquette ; c’est-à-dire le droit de doubler Mme Préville dans

  1. Grimm a déjà parlé des robes appelées tronchines, que les femmes se faisaient faire pour les promenades du matin ordonnées par ce médecin. Les Hollandaises étaient sans doute d’autres robes importées par la belle Hollandaise, Mme Pater. Enfin c’étaient aux opéras-comiques de la Clochette, de Gertrude et des Moissonneurs, dont Grimm a rendu compte, que plusieurs des autres modes devaient leur nom. (T.)