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AVRIL 1768.

La Guerre de Genève, qui a causé le renvoi de M. de La Harpe de Ferney, s’est imprimée à Genève depuis la pacification des troubles de cette république : elle consiste en cinq chants ; ainsi, il y en a deux de nouveaux que nous ne connaissons pas. Je n’ai pu encore voir cette édition, dont il existe cependant un exemplaire dans Paris. On dit qu’il y a des détails de poésie précieux et charmants dans les deux nouveaux chants, mais qu’ils sont d’ailleurs médiocres pour le goût et l’invention. L’auteur a enrichi son poëme de notes, dans lesquelles on dit que M. Rousseau est extrêmement maltraité. On dit aussi que l’éditeur promet un sixième chant, quoique le poëme paraisse fini. Je crois être à peu près sûr que ce poëme a beaucoup plus d’étendue, et qu’il y a des chants où les plénipotentiaires des trois puissances médiatrices jouent des rôles assez plaisants et assez comiques, mais, à moins qu’il ne se trouve un second La Harpe aussi heureux dans son larcin que le premier, je crois que nous courons risque de ne voir de longtemps ce poëme tout entier[1].

M. de Sartine, conseiller d’État et lieutenant général de police, s’est occupé depuis nombre d’années du projet de mieux éclairer la ville de Paris, pendant la nuit. Le problème n’est pas aisé à résoudre quand on ne peut ou ne veut pas y mettre l’argent nécessaire. Après bien des essais, ce digne magistrat s’est fixé à une espèce de lanternes à réverbères qui éclaireraient en effet fort bien, si elles étaient un peu plus rapprochées. Mais la pauvreté de la caisse publique exige qu’elles soient placées à une grande distance les unes des autres, afin de regagner sur leur petit nombre l’augmentation de dépense qu’elles entraînent ; elle oblige encore à ne changer les nouvelles lanternes contre les vieilles que peu à peu. Cette misère n’est pas la marque d’un temps infiniment heureux. Plusieurs habitants des principales rues se sont cotisés librement, pour faire le premier achat de ces lanternes nouvelles, et pour en jouir dès à présent. Voici une chanson qui a couru dans le public :

  1. Le sixième chant de la Guerre civile de Genève n’existe pas ; mais il existe un septième chant qui courut dans le temps sous le nom de Voltaire. L’auteur est l’infortuné Cazotte. Ce chant a été imprimé dans la Correspondance secrète (de Métra), tome XVI, p. 297. (B.)