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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

de la chute des anges rebelles, l’idée d’une rédemption nécessaire aux hommes, les idées d’incarnation, de mission, d’un Messie, enfin le dogme de la métempsycose ou de la transmigration nous sont venus de l’Inde ; mais il leur est arrivé ce qui arrive toujours, c’est qu’en passant de bouche en bouche, de peuple en peuple, toutes ces idées ont été défigurées et chargées de mille accessoires ; et la lecture de l’ouvrage de M. Holwell vous convaincra que la mythologie des Gentous et les opinions théologiques de leurs brahmines orthodoxes sont moins absurdes que celles de tous les peuples qui les ont empruntées. Leur mythologie a du moins de l’élévation et de la poésie ; leur morale est sublime et pure. L’ouvrage de M. Holwell est bien intéressant pour ceux qui savent lire, voir et penser.




MARS.
15 mars 1768.

M. de Fontanelle, qui diffère de feu M. de Fontenelle de toute une voyelle, a porté, il y a quelques mois, aux Comédiens français une tragédie en trois actes intitulée Éricie, ou la Vestale. Cette pièce a été lue dans l’assemblée des Comédiens, et reçue par acclamation. On se proposait de la jouer cet hiver ; mais des obstacles imprévus en ont empêché la représentation.

Malgré la faiblesse extrême de cette tragédie, sa brièveté, et la beauté du spectacle qui aurait permis à toutes nos jolies actrices de prendre l’habit blanc et l’écharpe de pourpre des vestales, lui auraient sans doute procuré un succès passager assez éclatant, mais M. Marin, censeur de la police, ayant senti l’application qu’on pouvait faire de tous les discours d’Éricie à nos couvents, n’a pas voulu prendre sur lui d’en permettre la représentation. Sur le refus du censeur, M. le lieutenant général de police a pris le parti d’envoyer la pièce à M. l’archevêque de Paris pour savoir son sentiment ; le saint prélat a nommé une commission composée de quelques curés de Paris et de quelques docteurs de Sorbonne pour juger et décider cet important procès. On doit être