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des plus déterminés épicuriens du siècle, faisant grand cas de bonne chère et de tous les genres de plaisirs, et prenant patience quand il avait bien soupé. Pour s’achever de peindre, son historien nous le donne pour une petite santé : jamais personne n’avait joui de la vie plus complétement, avec moins de retenue que M. de Fontenay, et jamais il n’avait été malade. Il a poussé sa carrière dans cet état inquiétant jusqu’à quatre-vingt-cinq ans. Il était un des arcs-boutants de l’hôtel Lubomirski, à Dresde ; mais à mon gré le général Meaghes, Irlandais, était infiniment plus aimable et avait bien autrement le ton d’un homme du monde que le général de Fontenay. Et le général baron de Dyhern, tué à la bataille de Berghen ? C’était un homme de génie et une créature bien aimable, sous les apparences d’un professeur d’université crapuleux et débauché.

— Nous avons reçu de Ferney une Lettre à monseigneur l’archevêque de Lyon, dans laquelle on traite du prêt à intérêt à Lyon, appelé dépôt de l’argent, par M. Prost de Royer, avocat de la ville de Lyon. Écrit in-8°, de cent quatre pages. Nos lois sur le prêt d’argent à intérêt, ainsi que sur beaucoup d’autres objets, n’ont pas le sens commun. On a vu dans les anciennes lois romaines, et plus encore dans les lois juives, des dispositions si formelles contre l’usure qu’on a trouvé plus court de proscrire entièrement le prêt à intérêt. Les théologiens s’en sont mêlés, et, moyennant une parabole de Jésus-Christ qui paraît approuver et ordonner la stipulation d’intérêt, ils ont statué qu’elle était absolument contraire à l’esprit de l’Évangile et du christianisme. Les papes l’ont condamnée, et en conséquence le gouvernement pontifical prête sur gages et à intérêt depuis un temps immémorial. Les peuples catholiques sont donc obligés de croire qu’ils se damnent en tirant les intérêts de leurs fonds ; mais comme ces principes ne sauraient s’accorder avec l’esprit du commerce, où il est aussi important de trouver de l’argent à intérêt que de le placer, et où tout ce qui gêne la circulation et le crédit est mortel, il a fallu avoir recours à des subterfuges et des distinctions pour éluder une loi absurde en paraissant la maintenir. Ainsi l’on a dit en France : Sans doute le prêt d’argent à intérêt est usuraire et criminel, mais on peut aliéner son argent, en céder la propriété, et alors il est permis de s’en stipuler une rente. Quelle plate et ridicule tournure !