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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

affaires de France qu’en passant, et qu’autant qu’elles peuvent servir à l’instruction et à l’édification de ses compatriotes. Son cœur, plein de charité chrétienne, ne peut souffrir qu’un citoyen de Lucerne ou de Soleure ne puisse être citoyen de Zurich ou de Berne, et vice versa. Il montre par plusieurs arguments combien ces institutions sont absurdes et contraires à l’humanité. Il pouvait alléguer parmi ces arguments que jamais banquier, en recevant une lettre de change, n’a pensé à examiner si son correspondant était catholique, protestant, juif, anabaptiste, quaker, etc., mais bien s’il était honnête homme, si sa maison était solide, s’il jouissait d’une bonne réputation, si ses engagements étaient inviolables, etc. Le vénérable M. Josias tire aussi parti des paroles que l’Évangile a mises quelquefois dans la bouche de Jésus-Christ, pour prouver que son intention était de tout tolérer. Au reste, le résident de Bâle prétend qu’il n’y a pas un seul catholique de bonne foi dans toute l’Italie, pas même notre saint-père le pape. Cela me paraît bien fort pour le vicaire de Jésus-Christ, actuellement muni du sceau du Pêcheur : car je me souviens d’avoir ouï dire à une des plus grandes lumières de l’Église, le très-saint abbé de Galiani, que quand Dieu voulait visiblement le bien de son Église, il lui donnait pour pape un athée, et quand il voulait visiblement le mal de son Église, il lui donnait pour pape un croyant ou dévot, ce qu’on pouvait aussi exprimer en mettant un s à la place des trois premières lettres du mot dévot ; et vu les nouvelles de Portugal, de France, d’Espagne, des Deux-Siciles et de Pologne, il m’a paru que sous le vicariat de notre très-saint père Clément XIII, Dieu ne voulait pas beaucoup de bien à son Église. Mais je n’ai garde de m’arroger le droit d’avoir un sentiment dans une matière si délicate, et je me contente de recommander ces réflexions à la haute considération de M. Josias Rossette, que Dieu veuille nous conserver sous ce nom ou sous tel autre des cent un qu’il lui a plu de prendre jusqu’à présent, pour coopérer avec un zèle infatigable à la gloire de Dieu, au salut des bons, à l’amendement des méchants ! Ce zèle, qui nous procure presque tous les quinze jours une nouvelle production de la plume la plus séduisante de l’Europe, n’est pas le phénomène le moins singulier de notre temps fécond en miracles.

— On a réimprimé ici l’Éloge du jeune prince Henri de