Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

prend toujours pour des bêtes ; il craint toujours que ses finesses ne nous échappent, et il les gâte en nous collant le nez dessus. Ainsi Mlle Gaussin dit plaisamment à la compagnie pour se moquer de l’abbé « Messieurs, vous savez que monsieur l’abbé est un connaisseur ; » et M. Collé, de peur que cette petite malice ne nous échappe, y ajoute bêtement en aparté : qui ne se connaît à rien. L’abbé dit très-plaisamment à l’auteur : « Si j’avais votre pièce entre les mains pendant un mois seulement, je vous la culbuterais que vous ne la reconnaîtriez pas. » Mlle Gaussin dit à cela avec son petit ton malin : « Je le crois bien ; » et M. Collé lui fait ajouter platement : car il la défigurerait. Ces observations ne roulent que sur des misères, je le sais ; mais elles montrent le goût d’un auteur. Heureusement il n’y aurait ici qu’à effacer.

M. Collé a publié en même temps le second volume tout entier de son Théâtre de société.

Les Pièces relatives à Bélisaire, qui nous sont venues de Ferney l’année dernière, successivement en plusieurs cahiers, et dont les cuistres Riballier et Cogé ont fait tous les frais, viennent de recevoir pour pendant une brochure intitulée Pièces relatives à l’examen de Bélisaire, publiées par M. de Legge[1]. C’est ainsi que les cuistres ont voulu se venger des brochures des philosophes ; et si, pour être plaisant, il n’était question que de parodier un titre, ils auraient parfaitement réussi. Mais comment des pédants plats et mal appris se soutiendraient-ils contre l’Hercule de Ferney ? Leurs Pièces relatives sont une réponse à l’apologie de M. Marmontel, adressée au cuistre Riballier ; une critique théologique du quinzième chapitre de Bélisaire, et une lettre de M. de Voltaire au cuistre Cogé, avec plusieurs réponses de ce cuistre, qui ne demande pas mieux que de se chamailler avec le premier homme de la nation, et qui serait même un dangereux maraud s’il avait autant de pouvoir que d’envie de nuire. Ce coquin fait parler le roi, et rapporte ses propres entretiens avec M. l’archevêque de Paris et M. l’avocat général, d’une manière aussi impudente que fausse ; mais il ne rapporte pas la dernière pièce de cette correspondance que je vais insérer ici. C’est une

  1. 1768, in-12.