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JANVIER 1768.

saires d’Orobase, un commerce scandaleux et très-préjudiciable à l’honneur de Phraate. Quand il s’aperçoit que ces bruits commencent à s’accréditer, il engage son frère dans une guerre contre les Arméniens, et le fait subitement partir pour l’armée. Il s’y rend de son côté.

Phraate, convaincu de la vertu d’Amélise, et fâché de l’avoir quittée sans l’avoir tranquillisée sur ces mauvais bruits, lui ordonne de se rendre au camp avec son fils. Il se proposait de reconnaître le jeune Arsacès pour son fils légitime, et de le faire proclamer son successeur à la tête de l’armée. Ce n’était pas là le compte d’Orobase ; mais Orobase sait prendre une résolution. Il engage une escarmouche avec l’ennemi ; il fait en sorte que le roi s’y trouve en personne, et dans la mêlée il prend son moment pour assassiner son cher frère. Ce qu’il y a de singulier, c’est que ce roi avait vraisemblablement ses gardes autour de lui, qu’il était fort aimé, et qu’il est la victime d’un fratricide sans que personne s’en aperçoive.

Ainsi, lorsque Amélise arrive au camp avec son fils, pour embrasser son époux, elle le trouve enterré. Elle en prend le deuil, et c’est ici que la pièce commence. La veuve Amélise est dans la plus profonde douleur. Elle connaît son ennemi, ses artifices et sa scélératesse ; elle craint tout pour elle et son fils. Le seul appui qui lui reste, c’est Gélanor, chef d’un corps auxiliaire de Grecs qui fait partie de l’armée des Parthes.

Ce Gélanor est en effet un jeune héros qui a autant de vertus et d’élévation qu’Orobase a de vices exécrables. Malgré la grande douleur que celui-ci fait semblant de ressentir de la mort de son frère, Gélanor l’a pénétré, et entrevu l’horrible complot qui a coûté la vie à Phraate, et sous lequel Amélise et son fils sont prêts de succomber. S’il n’a pu prévenir le premier crime, il se promet bien de le venger et d’empêcher le criminel d’en recueillir le fruit, en immolant encore deux autres victimes à sa soif de régner. Gélanor a été l’ami intime de Phraate ; mais il ne faut vous rien cacher : un intérêt plus pressant et plus tendre le porte à venger la mort de son ami, et à défendre les jours de sa veuve et de son fils au péril des siens. C’est que Gélanor est amoureux d’Amélise. Vous avez beau me représenter qu’il n’est pas naturel que Gélanor-Molé, jeune homme plein d’agréments, soit épris des charmes d’Amélise--