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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

feste depuis quelques années avec beaucoup de vivacité. Il vient de paraître en Italie un ouvrage intitulé Di una Riforma d’Italia ossia dei Mezzi di riformare i più cattivi costume, le più perniciose leggi d’Italia (Villafranca, 1767), c’est-à-dire : D’une Réforme de l’Italie, ou bien des Moyens de réformer les plus mauvais usages et les plus pernicieuses lois de l’Italie. L’auteur de ce livre parle avec beaucoup de respect de la religion, il n’en veut retrancher que les abus ; mais je crains que la religion ne se trouve réformée à la suite de tous les abus dont il demande la réforme.

— Au milieu de la sévérité avec laquelle la police cherche à empêcher le débit de tous ces livres dont le nombre grossit de jour en jour, on a vu vendre ici publiquement une brochure intitulée Discussion intéressante sur la prétention du clergé d’être le premier ordre d’un État. Brochure in-12 de cent soixante-quatre pages. Cet écrit est de M. le marquis de Puységur, cordon rouge et lieutenant-général des armées du roi. On s’aperçoit aisément à un style lourd et pesamment entortillé que l’auteur n’est pas du métier et qu’il n’y est pas accoutumé. La brochure est formée d’une correspondance entre M. *** et M. l’abbé de ***, qui s’est aussi adjoint un prieur de bénédictins pour défendre la cause du clergé. M. ***, qui l’attaque, ne trouve aucune raison valable pour que le clergé forme un ordre dans l’État, encore moins le premier ordre. Cela est fort aisé à démontrer ; il ne faut que du bon sens pour cela. Les deux prêtres défendent leur cause comme ils peuvent, et finissent par des menaces suivant la règle, et M. *** cède le champ de bataille sans réplique, bien sûr d’avoir gagné sa cause dans l’esprit de tous ceux qui sont sur ce point sans prévention et sans intérêt. Il est vrai que l’éditeur de cette correspondance, qui joue un troisième rôle, a ajouté, principalement à la dernière lettre, beaucoup de notes qui ne sont point ce qu’il y a de moins hardi dans cette brochure. Elle a étonné par sa franchise et sa hardiesse, et ce qui a encore plus surpris c’est que l’auteur l’a avouée, qu’il en a fait les honneurs à Paris et à Versailles, que le débit en est public et toléré, tandis que des brochures qui touchent le moins du monde aux prétentions du clergé sont défendues avec une extrême sévérité. Il est vrai que l’embarras et la pesanteur du style n’ont pas permis au public d’abuser