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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

blance, et qu’il faudrait à chaque religion une suite continuelle et actuelle de miracles incontestables et toujours subsistants. La dix-septième vérité est que personne n’est obligé d’embrasser quelque religion que ce soit ; et la dernière, que toute religion factice est contraire à la morale, ou lui est totalement inutile. Ce dernier chapitre est faible, et je ne serais pas fort étonné si l’on me disait qu’il a été ajouté après coup, et qu’il est d’une autre main. C’était cependant cette dix-huitième vérité qu’il fallait établir avec le plus de soin, et pousser jusqu’à l’évidence. En général, il n’y a dans tout ce livre ni force, ni chaleur, ni éloquence, mais simplement du bon sens ; il est vrai que ce bon sens est bien embarrassant pour ceux qui voudraient jouer le rôle du P. Malebranche, et résoudre les doutes du Militaire philosophe. Ce livre est resté aussi rare que la brochure du Dîner. Le prix courant du peu d’exemplaires de l’un et de l’autre qui ont échappé à la vigilance de la police a été un louis et trente-six francs.

— Une autre feuille qui n’a que trente-quatre pages d’impression, et qui est restée d’une excessive rareté, est intitulée le Catéchumène[1]. C’est un des morceaux les plus forts qui aient été faits contre la religion chrétienne. Le Catéchumène ne nous dit pas d’où il vient ; mais il nous apprend qu’ayant fait naufrage, il s’est sauvé sur une terre inconnue, où il a été recueilli par un peuple fort doux et fort humain. Après lui avoir donné tous les secours imaginables, on lui demande de quelle religion il est. Il demande à son tour s’il y en a plusieurs. Il avait cru jusqu’à présent qu’il n’y en avait qu’une universelle, et il apprend, non sans beaucoup d’étonnement, qu’il y en a au moins quatre ou cinq grandes qui se partagent la terre, sans compter les petites. On lui dit ensuite qu’il est avec des chrétiens, et pour lui faire entendre ce que c’est qu’un chrétien, on lui fait l’histoire de la vie et de la doctrine de Jésus-Christ, ou du moins de celle que ses disciples ont enseignée après lui. Tout ce précis historique est par demandes et par réponses, qui se font d’une manière très-serrée et avec une extrême concision. C’est le Catéchumène qui questionne. À chaque réponse il est confondu d’étonnement. La question qu’il forme ensuite n’est

  1. Par Borde.