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JUIN 1768.

les cœurs sensibles et honnêtes la souscrivent et l’appuient dès à présent. L’abbé Bergier s’est distingué depuis quelques années par ses écrits pour la défense du christianisme contre plusieurs ouvrages célèbres. Ces écrits ne lui ont pas donné un grand relief à Paris, mais ils ont eu et ont encore beaucoup de vogue dans les séminaires et dans les couvents. Son Déisme réfuté par lui-même, opposé au Vicaire savoyard de Jean-Jacques Rousseau, est à sa cinquième édition. Sa Certitude des preuves du christianisme, opposée à l’Examen des apologistes de la religion chrétienne attribué à Fréret, en est à sa troisième. Il vient de mettre sous presse une réfutation du Christianisme dévoilé et de l’Examen important de milord Bolingbroke, et il est venu à Paris en personne recueillir un peu les fruits de ses batailleries. C’est un bon prêtre assez plat, qui a fait de bonnes études ; d’ailleurs un peu bête et semi-fripon. Ce qui m’en a déplu, c’est qu’il ait recherché ici la société des philosophes, qu’il les ait accablés de marques d’estime, tandis qu’il les traite dans ses réfutations à peu près comme des gens de sac et de corde, et qu’il ait entrepris de se lier dans des maisons où, à moins de jouer le rôle d’espion, les gens de sa robe et de son parti lui auraient su bien mauvais gré de se trouver. Il a donné l’hiver dernier son meilleur ouvrage et celui qui a eu le moins de succès. C’est une traduction de la Théogonie d’Hésiode, avec des dissertations relatives à cet objet, sous le titre de l’Origine des dieux du paganisme, et le sens des fables découvert par une explication suivie des poésies d’Hésiode. L’objet de son ouvrage est de prouver, contre le système de l’abbé Banier, que les dieux du paganisme n’étaient point des personnages historiques. Si l’abondance des matières me le permet, je reviendrai à ce livre, qui est partagé en deux tomes et en quatre parties. Il n’y a rien de nouveau dans les idées mythologiques de M. l’abbé Bergier, rien qui n’ait été dit par plusieurs savants de France, d’Angleterre et d’Allemagne ; mais si l’auteur n’écrivait pas platement, s’il avait de l’imagination et du style, il en aurait fait un ouvrage très-intéressant. Comme défenseur de la religion chrétienne, l’abbé Bergier est sans doute très-supérieur à ses confrères qui ont combattu pour la même cause ; mais quand on lit avec un peu de réflexion les Conseils raisonnables par la société des bacheliers en théologie,