— Vous avez pu voir, dans le Salon de M. Diderot, que M. de Loutherbourg, peintre de l’Académie, a une fort belle et fort aimable femme. Voyons maintenant si M. Lemierre est plus heureux en chantant les grâces de la beauté qu’en maniant le poignard de Melpomène.
Cet adorateur de province,
Qui, ne se doutant pas que son talent soit mince,
S’en vient te haranguer de ce ton emmiellé ?
Bon Dieu, quel fatras de louanges !
L’amour-propre lui-même en serait ennuyé ;
Et tu me fais presque pitié
D’être belle comme les anges.
La cour fait tant d’édits ! Eh bien, j’en voudrais un
D’une forme toute nouvelle :
De par le roi, défense à tout sot importun
De faire bâiller une belle
Avec un éloge commun,
Ainsi qu’aux mal bâtis de se mêler de danse,
Aux voix fausses de chant, au-peintre de faubourg
De prendre en sa main pesante
Le pinceau qui nous enchante
Sous les doigts de Loutherbourg.
— On donne depuis environ un mois, sur le théâtre de la Comédie-Italienne, avec beaucoup de succès, un petit opéra‑comique intitulé la Clochette, en un acte et en vers[1] ; les paroles de M. Anseaume, la musique de M. Duni. Le poëte a choisi pour sujet de sa pièce le conte de La Fontaine qui porte le même nom. Ce conte n’est pas un des meilleurs du bonhomme. Il n’a rien de piquant. Remarquez qu’il est tout entier de l’invention du bonhomme, et que l’invention était sa partie faible ; il n’est original, charmant, divin, que dans ses détails. Aussi ne manque-t-il jamais d’allonger son sujet tant qu’il peut, et dans ses fables et dans ses contes ; mais c’est alors qu’il montre tout son génie. Je ne serais pas surpris qu’aux critiques d’un
- ↑ Cette pièce fut représentée pour la première fois le 24 juillet 1766.