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Benassar, a qui il a eu le bonheur de sauver la vie. Zulime, fille de Benassar, concoit pour Ramire la passion la plus forte, et pour Atide l’amitié la plus tendre. Elle ignore les liens qui attachent Ramire au sort d’Atide ; elle forme le projet de les delivrer et de se sauver avec eux. Ramire ne peut découvrir a Zulime son union avec Atide sans exposer une épouse chérie et sans s’oter à lui-même tout espoir de liberté. Les compagnons de l’infortune de Ramire et ses confidents, non-seulement confirment ce prince dans l’idée de garder son secret, mais, pour hâter leur délivrance commune, ils persuadent à Zulime que Ramire, aussi vivement touché de sa beauté que de ses bienfaits, ne sera pas sitôt arrivé en Espagne qu’il mettra a ses pieds la couronne de Valence, en lui offrant sa main et son trône. Ainsi le projet s’exécute. Zulime, après s’être fait un parti, s’évade de la résidence de son père avec Ramire et Atide et tous les autres captifs espagnols. Elle entre à main armée dans Arzénie, ville située sur les cotes d’Afrique, pour passer de là en Espagne par le premier vent favorable. C’est ici que la pièce commence.

On voit Zulime avec Atide et avec Mohadir, ancien officier de son père. Ce vieillard avait été député par Benassar pour rappeler Zulime à son devoir, pour lui peindre la douleur mortelle qu’elle avait causée a son père par sa fuite, et pour lui dire que tout était oublié si elle voulait retourner. Zulime est au désespoir d’affliger un père si indulgent et si tendre ; mais elle ne balance pas entre son respect pour lui et sa passion pour Ramire. Cette derniere l’emporte :


Retournez, Mohadir, aux murs de Trémizène ;
Consolez les vieux ans de mon père affligé :
Je l’outrage, et je l’aime, il est assez vengé.

Cette longue scène sert d’ailleurs à exposer tout le sujet et toutes les circonstances de la fable qui ont précédé la pièce, et que je viens de rapporter en peu de lignes. Atide y parle peu ; elle cherche seulement a peindre l’entreprise généreuse de Zulime sous les couleurs les plus nobles. Lorsque Mohadir est retiré, Zulime laisse voir à Atide tous les remords dont son cœur est dechiré, de porter un déplaisir mortel dans le sein du