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paraît pas avoir vaincu toutes les difficultés d’une entreprise si délicate. On trouve plus d’invention, plus de talent dans ses dessins, particulièrement dans ceux qui sont destinés pour la belle édition des Œuvres de Gessner. Son portrait d’Henri, dit Dubois, soldat des gardes-françaises qui est entré le premier à la Bastille, a le mérite d’une grande ressemblance.

Les portraits de M. Vestier sont bien peints, bien dessinés et d’un très-bon effet. On a distingué avec raison celui du pauvre chevalier de Latude qui, retenu plus de trente ans dans les prisons d’État, s’en est échappé plusieurs fois, et entre autres de la Bastille, par l’industrie la plus admirable, mais qui n’a dû enfin sa liberté qu’à la pitié courageuse de la dame Le Gros.

La Mort de Socrate (pour le roi), par M. Peyron. On en avait déjà vu l’esquisse au dernier salon. Ce tableau a de l’harmonie, les lumières y sont bien distribuées, il est d’un effet très-séduisant ; on en trouve cependant le ton un peu noir ; mais ce n’est pas le reproche le plus essentiel que lui ait fait la critique. Socrate, dit-on, regarde hors du tableau et n’est point à la scène ; le geste de la main droite est insignifiant et tient à la manière ; l’action de la gauche n’est pas déterminée. Toutes les figures qui forment l’ensemble de cette scène sont isolées et ne participent point à la scène principale, à l’exception de l’esclave qui lui présente la coupe, ce qui paraît prouver que M. Peyron s’occupe plus des formes pittoresques que du fond des sujets.

La Halle aux blés, morceau peint à la gouache et à l’aquarelle (31 pouces de large sur 23 de haut), par M. le chevalier de Lespinasse. Cette vue est prise à la distance de 28 toises. L’œil du spectateur est placé à la hauteur de 30 pieds et l’heure du jour entre midi et une heure. La perspective et le trait présentent la précision la plus parfaite et l’effet est de la plus grande vérité.

Mort de Sénèque (pour le roi), par M. Perrin. L’artiste a choisi le moment où Sénèque étant expiré, on éloigne Pauline, son épouse, par l’ordre de Néron. Ce tableau a paru en général d’un dessin lourd et pénible. La figure de Sénèque ressemble trop celle d’un Christ ; elle est aussi d’une nature trop forte et manque de noblesse. On reproche le même défaut à la tête de Pauline. Il y a cependant une sorte de grandeur dans l’ensemble de la composition, une manière assez large, du moins dans la distri-