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rable ; les draperies du plus beau style et le ton précisément celui qui convient le mieux au sujet.

Les Amours de Pâris et d’Hélène (pour M. le comte d’Artois), par le même. La scène se passe dans une salle de bains assez richement ornée dans toute la pureté du costume grec. Pâris est assis au pied d’un lit dont la couverture de pourpre relevée avec négligence paraît indiquer assez l’instant choisi par l’artiste. Une de ses mains soutient une lyre posée sur son genou, l’autre presse celle d’Hélène qui s’appuie languissamment sur lui dans une attitude remplie tout à la fois de grâce, de modestie et de volupté. Pâris semble jouir de l’impression délicieuse que vient de faire sur elle le souvenir des transports qu’exprimait cette lyre enchanteresse. Un manteau jeté légèrement sur les épaules de Pâris laisse voir toute la beauté dont les dieux douèrent l’heureux berger du mont Ida. Ce tableau prouve que le talent de M. David peut se plier à plus d’un genre. Je n’ai rien vu de plus parfaitement beau que le corps de Pâris dans tout son ensemble, dans tous ses détails. Hélène a peut-être un caractère de beauté moins noble, moins pur, mais l’artiste a répandu sur ses traits le charme le plus touchant, elle respire tout l’abandon, toute l’ivresse de l’amour. On doit se méfier de son jugement lorsqu’on examine l’ouvrage d’un homme aussi rare, mais j’avouerai que l’effet général de cette dernière composition me paraît moins heureusement senti que celui de ses autres tableaux ; il a, ce me semble, quelque chose de vague, d’incertain. J’avouerai encore que quelque admiration que m’ait inspirée l’exécution précieuse de tous les détails, il m’a toujours paru que c’était un défaut de convenance de présenter un homme presque entièrement nu à côté d’une femme habillée ; la surprise des yeux n’attend pas même celle de la réflexion. Si le ton des chairs n’est pas une des parties les moins admirables de ce tableau, celui des draperies nous paraît loin d’avoir la même vérité. C’est aussi le sentiment de M. Renou.

Le Déluge, par M. Regnault. On doit le compter assurément au nombre des tableaux les plus remarquables de cette exposition. La pensée en est simple. Toute la contrée paraît entièrement submergée. Sur le devant on voit un jeune homme portant sur ses épaules un vieillard et se traînant péniblement à travers les eaux dans l’espoir d’atteindre encore la cime décou-