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d’une taille parfaite de superbes cheveux noirs, bouclés naturellement, flottaient sur sa gorge nue, dont la fraîcheur et la beauté étaient admirables ; de petites roses semées dans ses beaux cheveux y faisaient l’effet le plus agréable : couchée négligemment sur son canapé, son attitude découvrait des jambes et des pieds de déesse… Éperdu d’amour, je me mis à genoux devant elle je me sentis presser la tête contre son sein ; elle approcha de ma bouche ses lèvres vermeilles. J’enviai de plus grandes faveurs, je m’empressai d’en jouir. Je ne me connaissais pas, seigneur : une telle ambition ne m’était pas permise ; eh ! je m’ignorais. La reine me repoussa avec ironie. « Prince, me dit-elle, modérez vos transports ; je vais les reconnaître. La nature, en vous prodiguant les dons les plus séduisants, vous a malheureusement refusé les plus solides. Vous êtes fait comme Apollon, vous êtes beau comme Narcisse, mais vous n’êtes pas dessiné comme Hercule. Votre conversation est amusante ; il est fâcheux qu’elle soit aussi superficielle. Je ne vous priverai d’aucun de vos agréments, ce serait en vérité dommage ; mais je veux vous rendre parfait, en vous donnant les proportions qui vous manquent… Alors, me touchant de sa baguette, elle me réduisit à la taille que vous me voyez… Vous voici maintenant, prince, à la hauteur de votre mérite, etc. »

La fable principale de ce conte asiastique, en trois volumes, la voici : C’est un jeune roi qui court, à travers mille et mille enchantements qui le contrarient, après les yeux, l’oreille, la tête, les cuisses, les jambes, etc., d’une belle princesse dont il est amoureux, et que la jalousie d’une fée rivale s’est plu à éparpiller dans tous les coins de l’univers. Cette étrange allégorie renfermerait, si vous voulez, tous les secrets de la politique et de la morale, qu’elle n’en serait à mes yeux ni moins puérile ni moins extravagante, et je ne puis m’empêcher de trouver qu’une pareille imagination, fût-elle cent fois plus originale, est du plus mauvais goût du monde.


ANECDOTE SUR LE MASQUE DE FER[1].

M. de La Borde, ancien valet de chambre du roi, a trouvé

  1. C’est là une des mille conjectures auxquelles on s’est livré sur le prisonnier inconnu qui a excité dans tous les temps une curiosité d’autant plus vive qu’il