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1789[1]

JANVIER.

Le Démophon de M. Marmontel est emprunté d’un opéra du célèbre Métastase, comme l’opéra italien avait été emprunté d’une de nos plus intéressantes tragédies, d’Inès de Castro, de La Mothe. Métastase crut devoir y ajouter plusieurs épisodes qui en ont compliqué l’intrigue. M. Marmontel en a retranché une partie : la marche de son poëme est plus simple, mais le dénoûment est-il aussi naturel, aussi vraisemblable ?

La première représentation de cet ouvrage a été reçue plus froidement qu’elle ne le méritait, et celles qui lui ont succédé ne prouvent pas qu’on soit encore disposé à lui rendre plus de justice. Malgré les défauts que nous avons relevés dans le poëme, il offre des détails qui font honneur au talent de M. Marmontel ; c’est peut-être de tous ses opéras celui dont le style est le moins négligé ; les paroles de plusieurs airs, celles des duos en général sont des modèles de la manière dont les auteurs lyriques doivent traiter ces parties si importantes d’un opéra. Au lieu de suivre le plan tracé par La Mothe, M. Marmontel a voulu se rapprocher davantage de celui de Métastase : la double intrigue admise par ce dernier devait nécessairement partager l’intérêt et distraire de celui que la situation et le malheur de Dircé pouvaient et devaient naturellement inspirer ; mais il fallait ne pas

  1. L’année 1789 n’existe pas dans le manuscrit de Gotha, et, dans celui de l’Arsenal, elle n’est représentée que par quelques fragments ; le plus important, à coup sûr, est le compte rendu des fameux Mémoires de Mme de La Motte-Valois sur son rôle dans l’affaire du collier. Meister en donne une analyse succincte d’une lecture infiniment plus agréable que ce volumineux et prétentieux factum ; mais on s’explique, en parcourant cet article, qu’il ait été supprimé en 1813 : le vice, si fréquemment reproché à Marie-Antoinette, y est clairement révélé. Une autre addition intéressante est celle du compte rendu du Salon. À défaut du manuscrit, M. Chaudé avait eu communication de l’exemplaire annoté par la censure, et nous avons pu, sur le sien propre, relever les suppressions exigées : quelques lignes dans l’analyse des Droits et des Devoirs du citoyen de Mably (mars), un passage injurieux sur M. et M. d’Éprémesnil (juin), sept ou huit vers d’un extrait d’Organt (même mois), un ou deux paragraphes insignifiants des citations empruntées à la Bastille dévoilée (août), voilà tout ce que nous a fourni cette collation.