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et précédée de l’Éloge historique de l’auteur, par M. l’abbé Brizard. 4 vol.  in-12.

Les deux premiers volumes de cet ouvrage, qui parurent en 1765[1], finissaient à l’époque où les grands fiefs furent à la couronne sous le règne des trois fils de Philippe le Bel. Les deux derniers embrassent la suite de notre histoire, depuis l’avènement de Philippe de Valois au trône jusqu’à Louis XIV. Quoique, dans la première partie de l’ouvrage, on n’eût fait qu’indiquer les moyens par lesquels nos grands tribunaux usurpèrent une partie de la puissance nationale en conspirant avec l’autorité à en dépouiller les états généraux, cette doctrine parut dans le temps si dangereuse, que l’on fut prêt à la dénoncer au Parlement et à en décréter l’auteur ; il n’y eut que l’amitié active de l’abbé Quesnel, précepteur de M. le duc de Penthièvre, qui para le coup par les sollicitations de Mme de Brionne, de Mme d’Enville, et surtout par la protection de M. le duc de Choiseul : l’influence ministérielle avait alors quelque pouvoir sur les dispositions du Palais. Aujourd’hui que les cours souveraines semblent avoir adopté elles-mêmes le sentiment de l’abbé de Mably, en reconnaissant leur incompétence à consentir l’impôt par leur enregistrement, ses mânes doivent plus facilement trouver grâce à leurs yeux. Est-il bien sûr cependant qu’on pardonne à cet écrivain de bonne foi d’avoir osé dire si crûment que tout prouve que le Parlement aime le despotisme, pourvu qu’il le partage ? La manière dont l’auteur peint l’esprit de ce corps, non pas tel qu’il est de nos jours, mais tel qu’il fut vers la fin du règne de François Ier, nous a paru un morceau digne de Tacite ; et peut-être suffira-t-il de cette seule citation pour donner une juste idée du mérite de cet excellent ouvrage, le plus précieux monument sans doute que l’on ait encore élevé sur les débris de notre histoire.

« Le Parlement, humilié et non vaincu…, continua à se regarder comme le dépositaire et le protecteur des lois, et peut-être même comme le tuteur de la royauté. Pour que le gouvernement ne lui contestât pas son droit, il en usa avec modération ; il songea à se rendre agréable, et s’appliqua à étendre l’autorité royale quand le poids n’en devait pas retomber sur lui. Il fléchit quand il crut qu’il y aurait du danger à résister, ou qu’il ne

  1. Voir tome VI, p. 255 et 506.