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Souper de famille, comédie en prose et en deux actes, de M. Pujoulx, de plusieurs sociétés littéraires.

Cette pièce, qui est plutôt un proverbe qu’une comédie, malgré beaucoup de scènes inutiles ou languissantes, a eu le succès qu’aura toujours la peinture de nos ridicules et de nos mœurs, lorsqu’on y reconnaîtra du naturel et de la vérité. Plusieurs détails ont paru bien sentis ; le tableau du vieillard jouant à la bataille avec ses deux petits-enfants a quelque chose de doux et d’intéressant. Si le dénoûment ne fait pas plus d’effet, c’est qu’il est beaucoup plus attendu qu’il n’est heureusement préparé. Le caractère de Mme de Florville a des nuances trop prononcées ; on sent bien qu’elle ne peut décemment se dispenser de reconnaître à la fin l’erreur qui l’avait séduite, mais on n’en est pas plus touché de son repentir, et peut-être serait-on même assez excusable de n’y pas croire.

— Le samedi 15 novembre, les Comédiens français ont essayé de donner une représentation du Faux Noble, comédie en vers et en cinq actes, de M. de Chabanon.

Nous eûmes l’honneur de vous rendre compte de cette comédie lorsqu’elle parut imprimée dans les Œuvres de cet estimable académicien[1] ; l’accueil qu’elle vient de recevoir au théâtre n’a que trop confirmé le jugement que nous en avions porté alors ; mais si la sévérité avec laquelle le parterre a traité le Faux Noble n’est pas absolument injuste, elle est au moins infiniment dure et cruelle : les murmures qui avaient commencé dès les premières scènes ont éclaté avec tant de violence à la fin du troisième acte qu’il n’a pas été possible d’achever la représentation. Ce sont moins quelques expressions triviales ou négligées, quelques détails de mauvais goût, qui ont occasionné cette chute effroyable, que l’espèce de langueur qui règne dans tout l’ouvrage ; les situations, comme les caractères, ont paru manquer de naturel et de mouvement ; on sent partout l’effort de l’auteur, qui cherche des contrastes et se tourmente à faire marcher une intrigue qui n’en paraît pas moins immobile. Quelques scènes d’une intention assez comique n’ont produit aucun effet, tantôt parce qu’elles sont trop prolongées, tantôt parce qu’elles passent la mesure de l’exagération théâtrale. La vérité du co-

  1. Voir précédemment, page 239.