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a reçu cette palme académique, le souverain lui en ait décerné une autre plus digne de son ambition, de son génie et de ses vertus ; c’est presque au même instant que fut décidé son rappel au ministère des finances, que l’on apprit du moins que le monarque venait de lui rendre sa confiance et remplir ainsi un vœu qui n’avait jamais cessé d’être celui des gens de bien, mais qui, dans l’état actuel des affaires, était devenu le vœu universel de la nation, peut-être même celui des plus grands ennemis qu’ait jamais eus ce vertueux ministre.

Catherine Vassent, qui a si bien mérité le prix de vertu, est venue le recevoir elle-même ; elle était accompagnée des deux premiers officiers municipaux de la ville de Noyon, et décorée de la médaille glorieuse que lui a décernée sa patrie, avec la couronne civique. Voici l’extrait du procès-verbal de l’action charitable et courageuse de cette excellente fille.

Quatre hommes, ayant entrepris la vidange d’une fosse d’aisance en la maison d’un nommé Despalles, perruquier de la ville de Noyon, y tombèrent sans connaissance ; on appela du secours, plusieurs personnes s’assemblèrent ; on fit la proposition de descendre dans cette cave, personne ne fut assez hardi pour affronter le danger ; mais Catherine Vassent[1], domestique de la maison voisine, qui était présente, voyant l’embarras de tous les assistants, s’écria : « Que ne suis-je un garçon ! je descendrais, et je les sauverais… » Enfin, ne pouvant résister au mouvement de son cœur, qui lui parlait en faveur de ces malheureux asphyxiés, elle donna l’exemple du dévouement le plus parfait… À peine souffrit-elle qu’on lui fit prendre quelques légères précautions ; elle se chargea d’une cruche remplie de vinaigre, descendit dans la cave pestilentielle, et en versa dans les différentes parties. La vapeur s’étant élevée, et lui donnant la facilité de distinguer les objets, les hommes étendus sans mouvement frappèrent sa vue et son cœur. Elle remonta l’escalier pour avoir une corde ; dès qu’elle en fut munie, elle descendit de nouveau ; parvenue au bas des marches, elle aperçut un des quatre hommes, elle le lia par le bras ; plusieurs personnes tiraient du

  1. Elle n’a que vingt ans ; elle est née d’un père qui, dans un incendie, s’est jeté au milieu des flammes pour sauver un enfant qui allait en être la proie. (Meister.)