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du théâtre, mais en même temps celle qui fournit le plus de traits dont la malignité pourrait faire des applications odieuses à la destinée actuelle des premiers tribunaux du royaume !… Et comment supposer, en effet, que ce vertueux citoyen eût voulu insulter à l’affliction d’un corps, qu’il nous fait entendre assez clairement n’avoir été rétabli que d’après son conseil et suivant ses vues ?… Après avoir lu toutes ces folies, n’est-on pas tenté de se frotter les yeux pour s’assurer si l’on est éveillé ou si l’on rêve ? Dans la supposition que M. de Beaumarchais lui-même ait rêvé bien ou mal, M. Bergasse vient de lui donner un terrible réveil. Rien de plus accablant que le mépris de cette dernière réponse. Quel athlète ! il ne laisse pas respirer son adversaire, il le serre de toute part, et, après lui avoir arraché toutes les armes dont il cherchait à se défendre, il le renverse et le laisse abattu dans la fange. Je ne crois pas que l’art de la dialectique ait jamais été porté à un plus haut degré d’adresse et de vigueur.

Cette attaque personnelle contre M. de Beaumarchais n’est pourtant que le prélude ou le prétexte d’une dénonciation bien plus énergique et bien plus hardie de tous les désordres résultant de l’état actuel de la justice en France ; c’est au roi même qu’il ose l’adresser.

Nous ne hasarderons point de juger si M. Bergasse a raison, s’il est un gouvernement dans le monde qui doive permettre à quelque particulier que ce soit d’oser parler ainsi ; ce que nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître, c’est qu’on n’écrit de cette manière qu’avec une grande élévation d’âme et de talent. Il y a souvent dans le style de M. Bergasse trop d’abondance et trop d’exagération, mais il est bien peu d’hommes vraiment éloquents à qui l’on n’ait pu faire ce reproche ; on y remarque aussi de temps en temps quelques expressions de mauvais goût, comme celle-ci, en parlant de M. de Beaumarchais, cet homme sue le crime ; mais ces fautes sont rares et portent le plus souvent même encore une empreinte d’originalité qui leur sert d’excuse.

Lettres sur l’Italie, deux volumes in-8o, avec cette épigraphe, tirée de Virgile : Et me meminisse juvabit.

L’auteur de ces Lettres est M. le président Dupaty, si justement célèbre par l’éloquence courageuse avec laquelle il défendit