Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépens de ceux d’un premier lit, il fallait du moins, pour rendre ce caractère intéressant, le faire dominer dans toute l’action du drame ; il fallait que les événements qui le composent fussent le résultat des desseins de la belle-mère, et que tous conspirassent au même but. Le rôle de M. Belfont n’est ici que secondaire, l’auteur l’a subordonné à celui du marquis, il n’en a fait qu’une femme faible et sans caractère, dont un homme de qualité, aussi vil que corrompu, se joue bassement pour réparer, grâce à cette intrigue, le dérangement de sa fortune. On sent que l’intention de M. Vigée a été de diminuer les torts de sa belle-mère, en rejetant ce qu’ils ont de plus odieux sur les conseils du marquis ; mais cette intention a non-seulement le défaut de prévoir trop tôt le dénoûment, elle a de plus l’inconvénient destructif de tout intérêt d’avoir forcé l’auteur à faire d’une action épisodique l’action principale de son drame ; ce sont les amours de Darmand pour Angélique, contrariés par l’ambition de Mme Belfont et la faiblesse presque incroyable de son époux, qui forment le peu d’intérêt que présentent les trois premiers actes de cette pièce, et cet intérêt s’évanouit pour ainsi dire au quatrième pour faire place à une reconnaissance trop peu préparée par ce qui la précède pour produire l’effet qu’on obtient ordinairement de ce moyen tant usé par tous nos dramaturges. Ainsi ce n’est point le caractère de belle-mère qui constitue le véritable intérêt de la pièce, il tient uniquement à l’aventure romanesque d’un jeune homme de qualité, expatrié pour un duel, et revenu en France sans instruire sa famille de son retour, réduit à vivre, sous un nom supposé, chez un homme que la reconnaissance ne justifie pas assez de lui donner sa fille, sans connaître ni sa naissance, ni sa fortune, et qui se voit au moment d’être forcé à se battre avec un frère qui ne le connaît point, si leur père ne tombait pas pour ainsi dire du ciel pour empêcher ce fratricide. Tous ces événements si étranges, et quelquefois si faiblement motivés, sont loin de produire l’effet qu’en attendait probablement l’auteur, après les avoir accumulés avec tant d’effort, et cet effet s’est trouvé encore affaibli par la manière dont l’auteur a voulu lier à ce roman les caractères de Mme Belfont, de son époux et du marquis, pour donner à son drame la physionomie d’une comédie de caractère. C’est donc dans le plan même de l’ouvrage qu’il faut chercher la cause du peu de succès qu’il a obtenu ; mais