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cessé d’être retenu par ces motifs, d’ailleurs très-excusables, car il vient de lire aux Comédiens une nouvelle pièce intitulée l’Homme mystérieux, qui a été reçue d’une voix unanime. Ceux qui connaissent ce littérateur estimable désirent tous que les risques tumultueux de la représentation ne l’obligent pas à se repentir de s’être écarté d’une circonspection trop malheureusement justifiée par les revers qu’il avait éprouvés autrefois dans cette carrière tout à la fois si attrayante et si hasardeuse.

La première comédie que contient ce volume des Œuvres de M. de Chabanon a pour titre l’Esprit de parti, ou les Querelles à la mode. Cette pièce fut composée il y a sept ou huit ans, à l’époque des disputes si ridiculement importantes des Gluckistes et des Piccinistes. Il était bien difficile que ce fond put jamais fournir celui d’une bonne comédie ; et quand M. de Chabanon en aurait su vaincre toutes les difficultés, l’intérêt d’un pareil sujet devait cesser naturellement avec celui des disputes qui en étaient l’objet. Cet esprit de parti, quoi qu’en dise l’auteur dans sa préface, ne pouvait guère réussir que par le mérite de l’à-propos, et ce mérite est déjà bien loin de nous.

La pièce est écrite avec beaucoup de facilité et remplie de détails heureux ; mais cela suffirait-il pour faire supporter l’invraisemblance de l’intrigue, le peu d’intérêt du fond, et surtout cette exagération dans les caractères qui, cherchant à faire de l’effet, passe toujours le but ? Il faut bien exagérer au théâtre, mais l’exagération même a sa mesure, et de toutes les limites de l’art, c’est sans doute celle qu’il faut le moins franchir.

Le sujet du Faux Noble est d’un choix plus heureux. Ce ridicule des gens qui en imposent sur leur naissance, ou qui, à prix d’argent, troquent leurs noms contre ceux de malheureux gentilshommes, indignes eux-mêmes de les porter, puisqu’ils consentent à en faire un trafic si honteux, est un travers assez commun dans nos grandes villes, et dont la comédie peut s’emparer avec succès.

L’action de cette comédie est mieux conçue que celle de l’Esprit de parti ; la marche, les incidents en sont plus naturels : cette pièce offre même quelques scènes d’un vrai comique, et qui développent également le ridicule du faux noble et la bassesse orgueilleuse de l’homme de qualité qui ne craint pas de se mésallier pour de l’argent, mais le style nous en a paru