Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 15.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à lui apprendre le secret. Malgré le peu de succès qu’a eu l’Amant à l’épreuve, on s’est avisé de le disputer au pauvre M. Moline. Il n’en est pas moins vrai que l’ouvrage lui appartient presque tout entier ; nous le connaissions longtemps avant qu’il fût donné ; l’invention du bracelet qui sert si peu à la reconnaissance est vraiment la seule chose que puisse revendiquer l’anonyme qui a prétendu ravir à M. Moline ce nouveau titre à l’immortalité.

Natalie, drame en trois actes de M. Mercier, représenté trois ou quatre fois sur le même théâtre, étant imprimé depuis longtemps, nous croyons pouvoir nous dispenser d’en faire l’analyse. C’est cette pièce qui a été le sujet de sa brouillerie avec les Comédiens français. Elle n’a eu à la représentation qu’un succès fort équivoque ; il y a beaucoup de longueurs dans le dialogue qui font languir la marche de l’intrigue, mais il y a quelques situations, au second et au troisième acte, qui nous ont paru touchantes et d’un effet vraiment dramatique.

Mémoire sur le mariage des protestants en 1785. — Second Mémoire sur le mariage des protestants. À Londres, 1787. Deux brochures in-8o, l’une de 198 pages, l’autre de 178.

Ces deux Mémoires, d’un ministre et d’un magistrat rempli de lumières et de vertus, étaient attendus avec impatience ; on n’y a point trouvé ce qu’on y cherchait peut-être, de beaux mouvements d’éloquence, une grande élévation d’idées, des principes de législation profondément discutés ; c’est simplement le rapport d’une cause importante, tel qu’il devait être fait pour être présenté au Conseil du roi, sans faste, sans chaleur, avec beaucoup de méthode, de sagesse et de mesure. Si M. de Malesherbes s’était proposé de prouver que la tolérance civile est due incontestablement à tous les citoyens de l’État, qu’il n’y a que des préjugés fanatiques ou superstitieux qui aient pu jamais priver les hommes d’une liberté à laquelle ils ont reçu en naissant un droit imprescriptible, il lui eût été facile sans doute de faire sur ce beau sujet autant de philosophie et d’éloquence qu’il en aurait voulu ; mais son intention paraît avoir été d’embrasser un plan moins vaste, pour faire un ouvrage plus utile. Il n’a point écrit pour des hommes qui sont plus que persuadés des vérités qu’il importait d’établir ; ce sont les jurisconsultes attachés aux anciennes maximes qu’il a cherché à convaincre de l’utilité des nou-